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L’ÉCOLE LIBERALE
SES PRINCIPES ET SES TENDANCES

Variétés littéraires, morales et historiques, par M. S. de Sacy, de l’Académie française; 2 vol., Paris, 1858.



L’honnêteté est la véritable aristocratie de nos jours; celle-là n’a pas besoin d’être protégée, car, bien qu’on essaie aussi de la feindre, on ne réussit jamais à l’usurper. La noblesse finit toujours par s’attacher aux qualités qui à certaines époques décisives ont fait le salut de l’humanité. La classe privilégiée issue de la féodalité, qui jusqu’à la révolution de 1789 a représenté en France l’établissement germanique, recueillait, à plus de mille ans d’intervalle, le bénéfice de la grande révolution qui substitua la barbarie apparente, mais en réalité l’indépendance individuelle et locale, au despotisme administratif de l’empire romain. Je me figure souvent que la noblesse de l’avenir sera de même composée de ceux qui, sous une forme ou sous une autre, auront résisté aux tendances mauvaises de notre temps, je veux dire à cet abaissement général des caractères qui, détachant l’homme de ce qui fixe la conscience politique, fait tout accepter, — à ce matérialisme vulgaire sous l’influence duquel le monde deviendrait comme un vaste champ d’épis dont un coup de vent fait fléchir à la fois toutes les têtes : état fatal qui, selon moi, peut conduire la société non point à sa ruine (ce mot ne saurait être prononcé quand il s’agit de l’espèce humaine dans son ensemble), mais à une violente réaction des forces individuelles contre une paresse avilissante et une inertie résignée.

Un fait considérable, que l’on peut regarder dès à présent comme