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Browne arrive de conjecture en conjecture à présumer que les plantations en losange ont dû exister non-seulement avant le déluge, mais dans le paradis terrestre, dont Dieu lui-même était le planteur. Des quinconces il passe bientôt aux nombres et aux figures géométriques qui entrent dans cette disposition, et en évoquant devant lui les productions de la nature et de l’art, il arrive à n’apercevoir partout que des losanges, des cinq, des X, des tissus rétiformes. Où veut-il en venir? La question est d’autant plus embarrassante qu’il brode sur ce texte une infinité d’observations sérieuses et de recherches attentives sur l’histoire naturelle et la physiologie végétale, sans parler de maints autres sujets sur lesquels il exprime évidemment ses véritables opinions. En réalité, il faut renoncer à préciser ce qu’il a voulu. Son discours est la traduction naïve des indéfinissables combinaisons qui se produisaient dans son esprit. Il ne cherche pas à énoncer des conclusions arrêtées; il songe tout haut comme il songeait à chaque instant, en confondant un peu son imagination avec la science. Il regarde en lui-même le pêle-mêle de ses souvenirs, de ses préoccupations, de ses conjectures momentanées, et à la fin, quand il est las, « il est temps de cesser, dit-il, la nuit est avancée, les chasseurs sont déjà sur pied en Amérique; tenir nos yeux ouverts plus longtemps, ce serait voler le rôle de nos antipodes. »

Outre y l’Hydriotaphia et le Jardin de Cyrus, ses lettres et ceux de ses papiers qui ont vu le jour après sa mort nous prouvent qu’en vieillissant il n’avait rien perdu de son ardeur pour l’étude. Jusqu’au bout, nous le voyons poursuivant ses travaux, les poussant même dans plus d’une direction nouvelle, et toujours prêt à profiter des occasions inattendues pour augmenter ses connaissances, ou pour les mettre au service d’autrui. Il entre en communication avec le pasteur d’une paroisse de l’Islande, et les renseignemens qu’il en obtient sur l’histoire naturelle et sur les maladies régnantes de cette île lointaine lui servent à rédiger une notice qu’il communique plus tard à la Société royale. Il écrit pour sir William Dugdale deux mémoires touchant les Marécages et les Tumuli de l’Angleterre. Il se met au service d’Évelyn, le charmant auteur des Mémoires et grand amateur d’horticulture. Il envoie au docteur Ray des catalogues et d’autres matériaux qu’il avait primitivement ramassés pour une histoire naturelle du pays de Norfolk. La plupart de ces communications ont été recueillies, et, avec divers traités que Browne laissa en mourant, elles ont fourni la matière de deux publications posthumes éditées, l’une par l’archevêque Tenison, et l’autre par John Hase. Je ne m’arrêterai pas toutefois à ces deux recueils. La plupart des essais qui les composent rentrent dans le genre de la Pseudodoxia, et nous y retrouverions le même savant