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celée, appelant ainsi une quantité plus considérable des habitans à jouir de ses produits; mais il en est autrement. Les nécessités du climat, l’accumulation de la population, veulent que les animaux concourent à notre alimentation, et la petite culture dans cette production est inférieure à la grande. En second lieu, les terrains d’une fertilité inépuisable sont l’exception; les terrains médiocrement fertiles, qui ne font en quelque sorte que favoriser la germination, qui ne sont que les témoins indispensables, mais peu actifs, de la mutation de l’engrais en récolte, forment l’immense majorité, et ces terrains ne sont plus en harmonie avec la petite culture. Lorsqu’elle persiste dans ces conditions, c’est qu’elle est une conséquence fatale de la misère de la population, de la pauvreté excessive du sol, du manque de capitaux et d’intelligence : c’est ce qui a lieu dans les provinces intérieures du royaume de Naples. Il est dans ces provinces beaucoup de terres que l’on cultive en céréales, et qui cependant conviendraient admirablement à la vigne. Cela tient à ce que, faute d’écoulement, le vin se vend à vil prix, tandis que la récolte des céréales y peut suffire à peine à la consommation. De son côté, le nord de l’Italie cultive la vigne pour n’obtenir cependant, sur ce sol humide, qu’un vin faible, se conservant peu, privé de toutes les qualités généreuses des vins du midi, et l’on consacre à cette culture un terrain apte et favorable soit aux fourrages, soit aux céréales. De part et d’autre, la terre produit donc non selon ses convenances, mais selon les besoins de l’homme auxquels elle doit subvenir et suffire. Un tel état de choses était autrefois en Italie, comme du reste dans tous les pays, la conséquence funeste des difficultés de transactions et de transport, du manque de sûreté, partant de l’absence de tout commerce actif; mais, de nos jours, les difficultés de transport ont été bien diminuées, les lenteurs, les risques mêmes de la navigation ont été bien atténués par la vapeur, qui permet de surmonter les vents contraires. Tout semble engager la terre à choisir désormais ce qui lui convient le mieux, à produire selon sa vocation, car les terres ont une vocation plus irrésistible même que celle des hommes. Tout semble aussi inviter l’homme à faire un usage plus rationnel de ses forces. Malheureusement, par une pondération inintelligente, après avoir supprimé d’une main les obstacles naturels, de l’autre il se hâte d’en rétablir d’artificiels. Ici il défend l’importation de certaines denrées, là il s’oppose à l’exportation d’autres produits. Aujourd’hui il les taxe pour les dégrever le lendemain, faisant ainsi succéder une série de mesures variables et contraires qui inquiètent le commerce, refoulent les capitaux, intimident l’initiative. L’Italie est vraiment le pays des déceptions. Les rêves les plus brillans de la jeunesse, les fictions poétiques les plus chères s’éva-