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un chat. Diable ! quelle belle écriture vous avez ! … Mais que faites-vous là ?

— J’écris d’abord les noms de nos personnages.

— Je le vois bien ; mais vous mettez au premier acte : Stentarello au maillot ?

— Voilà mon idée, monsieur Goefle. Je suis las de faire raconter à ce pauvre Stentarello le conte que l’on m’a fait de ma descente au bout d’une corde d’une fenêtre dans un bateau. Je veux, si vous y consentez, mettre cela en scène.

— Oui-dà ! Et comment diable ferez-vous ?

— J’ai là dans mes décors un vieux château…

— Qu’allez-vous en faire ?

— Je vais en faire le Stollborg. Nous lui donnerons un autre nom, mais ce sera le paysage romantique dont j’ai été frappé sur le lac au soleil couchant, et dont j’ai fait un croquis.

— Vous allez peindre ?

— Oui, pendant que vous écrirez mal ou bien, peu importe ; j’ai tant déchiffré d’hiéroglyphes avec mon pauvre Goffredi ! Songez que le temps presse, j’ai là tout ce qu’il me faut pour modifier mes décors selon les besoins du moment : un peu de colle figée dans une boîte de fer-blanc, quelques petits sacs de poudre de diverses couleurs… Ma toile n’est pas plus grande que le fond de mon théâtre, et d’ailleurs cela sèche en cinq minutes. Il ne m’en faut guère plus pour faire une fenêtre à mon donjon carré. Regardez, monsieur Goefle : d’abord je la rends praticable en découpant la toile, … j’ai là mes ciseaux ; puis je fais chauffer ma colle au poêle… Avec du fusain, j’esquisse mon tas de gros galets, comme cela, vous voyez. Il y en a qui surplombent… J’ai bien observé, c’était merveilleux… Je donnerai le ton de la glace à ce terrain… Oh ! mais non ! il faut que ce soit de l’eau, puisque nous avons une barque…

— Où la prendrez-vous ?

— Dans la boîte aux accessoires. Croyez-vous que je n’aie pas de barque ? et des navires, et des voitures, et des charrettes, et des animaux de toute sorte ? Pourrais-je me passer de ce magasin de découpures qui rend toutes mes pièces possibles et qui tient si peu de place ? Oh ! encore une idée, monsieur Goefle ; je place la barque sous cette voûte formée par les galets.

— À quoi bon ?

— À quoi bon ? Cela nous donne une scène du plus grand effet ! Écoutez bien ; nous supposons la naissance de l’enfant très mystérieuse ?

— Cela va sans dire.

— Environnée de périls ?