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sa femme, et c’est assez votre taille et votre tournure. Pourtant,… dans le costume que vous avez maintenant…

— Je ne l’avais pas encore, j’étais dans votre habit noir.

— Eh ! que faites-vous à présent ? Vous vous masquez !

— Non ; je mets mon masque sur ma tête, dans le cas où je serais forcé d’aller chercher mon valet jusqu’au château neuf.

— Voyons-le donc, votre masque. Ce doit être fort gênant ?

— Nullement ; c’est un masque de mon invention, léger et souple, tout en soie, et se chaussant sur la tête comme un bonnet dont je relève ou abaisse à volonté la visière. Quand il est levé et que mon chapeau le cache, il dissimule au moins mes cheveux, qui sont trop touffus pour ne pas attirer l’attention. Quand il est baissé, ce qui dehors, dans ce climat, est fort agréable, il ne risque jamais de tomber, et je n’ai pas l’embarras de nouer et dénouer sans cesse un ruban qui se casse ou s’embrouille. Voyez si ce n’est pas une heureuse invention !

— Excellente ! Mais la voix, vous pouvez faire qu’on ne la reconnaisse pas ?

— Oh ! cela, c’est mon talent et mon état ; vous le savez bien, puisque vous avez assisté à une de mes pasquinades.

— C’est vrai, j’aurais juré que vous étiez douze dans la baraque. Ah çà ! je veux vous entendre ce soir. J’irai me mettre dans le public ; mais je ne veux pas savoir la pièce d’avance. À revoir, mon garçon ! Je vais tâcher d’arracher au vieux Sten quelque éclaircissement sur la cause de mon apparition. Mais qu’est-ce que cette branche de cyprès que vous accrochez au cadre de la dame grise ?

— C’est encore quelque chose que j’oubliais de vous dire : c’est M. Stenson qui apportait cela ici. Je ne sais ce qu’il voulait en faire, il l’a jetée à mes pieds, et que ce fût son intention ou non, j’en veux faire hommage, moi, à cette pauvre baronne Hilda.

— N’en doutez pas, Christian, c’était aussi l’intention du bon vieillard. C’est demain ou aujourd’hui… Attendez donc, j’ai la mémoire des dates… Mon Dieu, c’est précisément aujourd’hui l’anniversaire de la mort de la baronne ! Voilà ce qui m’explique comment Sten s’est décidé à venir ici pour y faire quelque prière.

— Alors, dit Christian en détachant la petite bande de parchemin qui s’enroulait autour de la branche et que M. Goefle prenait pour un ruban, tâchez de vous expliquer les versets de la Bible écrits là-dessus. Moi, le temps me presse, je sors le premier.

— Attendez ! dit M. Goefle, qui avait mis ses lunettes pour lire la bande de parchemin ; si vous allez jusqu’au château neuf, et que vous y trouviez M. Nils, lequel n’a pas reparu ici pour mon goûter,