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— Alors par la porte secrète.

— Il y en a donc une ?

— Vous ne le saviez pas ?

— Non, en vérité.

— Eh bien ! venez la voir.

Christian prit le flambeau et conduisit M. Goefle ; mais la porte secrète était fermée en dehors. Elle était si bien jointe à la boiserie qu’il était impossible de la distinguer des autres panneaux encadrés de moulures en relief, et si épaisse qu’elle rendait le même son mat que les autres parties du revêtement de chêne. En outre, elle était solidement assujettie par derrière au moyen des gros verroux que Christian avait trouvés et laissés ouverts la veille, et qui depuis avaient été tirés probablement par la même main qui avait cadenassé l’autre porte au bas de l’escalier dérobé. Christian fit part de ces circonstances à M. Goefle, qui dut le croire sur parole, car il n’y avait plus moyen d’aller s’en assurer.

— Croyez-moi, monsieur Goefle, dit Christian, ou une vieille servante de M. Stenson est venue là hier pour ranger la chambre, qu’elle ne savait pas envahie, ou la baronne Hilda est prisonnière quelque part ici, sous nos pieds, sur notre tête, que sais-je ? dans cette chambre que l’on a murée, et qui a peut-être une communication secrète avec celle-ci. À propos de la porte murée, vous ne m’avez pas dit où elle conduisait, ni pourquoi on l’a fait disparaître. Ceci me paraît cependant une circonstance assez intéressante.

— C’est une circonstance très vulgaire, et que Stenson m’a expliquée. La pièce située au-dessus de celle-ci était, depuis très longtemps, dans un état de délabrement complet. Lorsque la baronne Hilda vint se réfugier au Stollborg, elle fit condamner cette porte qui lui amenait du vent et du froid. Après sa mort, Stenson la fit rouvrir pour réparer les brèches de la bâtisse au second étage. Seulement, comme, pour rendre cette pièce habitable, il eût fallu dépenser plus qu’elle ne vaut, et qu’en raison de la prétendue chapelle catholique qui y avait été érigée, personne n’eût voulu habiter une chambre où le diable tenait cour plénière, Stenson, autant par mesure d’économie qu’afin de faire oublier toutes ces superstitions, mura solidement de ses propres mains, m’a-t-il dit, et avec la permission du baron, une communication désormais inutile.

— Pourtant, monsieur Goefle, vous avez vu le prétendu fantôme sortir de dessous cette carte de Suède qui masque la maçonnerie ?

— Oh ! pour cela, c’était bien un rêve ! Regardez-y, Christian, et si vous trouvez là une porte praticable, vous serez plus habile que moi. Croyez-vous donc que je n’aie pas été m’en assurer aussitôt que mon rêve se fut dissipé ?