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1806) rendit les Iles-Ioniennes à la France. Berthier, nommé gouverneur-général par l’empereur et roi, déclara, dans une proclamation du 1er septembre 1807, « la religion grecque[1] la religion dominante, » en annonçant que « la république septinsulaire ferait dorénavant partie des états qui dépendaient de l’empire français[2]; » mais les Ioniens ne reconnaissaient point au tsar le droit de céder leur territoire à Napoléon : cette cession ne leur paraissait ni convenable ni légitime. Les Anglais, alors également hostiles à la Russie et à la France, travaillèrent à entretenir leur mécontentement. Ils firent si bien que Cérigo, Zante, Céphalonie et Théaki s’insurgèrent et prirent le nom « d’Iles-Affranchies (Isole liberate). » Elles ne firent en réalité que changer de maîtres et substituer la conquête britannique au protectorat français (1809). Les Anglais, devenus les alliés d’Ali-Pacha, comptaient sur son secours pour chasser les troupes impériales de Santa-Maura. Les habitans de cette île, qui devaient en 1819[3] se soulever contre les Anglais à cause des impôts dont ils étaient accablés, prirent alors les armes contre la France, et secondèrent ainsi les projets de l’Angleterre. Les armatolis abandonnèrent le drapeau tricolore; un bataillon italien, enfermé dans le château, refusa de se battre; soixante canonniers et soixante soldats français se préparèrent seuls à tenir tête aux troupes britanniques.

Ali, commençant à réfléchir sur les inconvéniens du voisinage des Anglais, proposa au consul de France à Janina de défendre Santa-Maura, si on consentait à lui céder l’île. Cette offre était séduisante, car une résistance prolongée était évidemment impossible, et il était naturel qu’on saisît cette facile occasion de se venger de l’Angleterre. Malgré la haine qui divisait alors les deux peuples, acharnés à se disputer l’empire de l’Occident, le consul-général de France à Janina, M. Pouqueville, n’eut pas même la pensée de livrer une population chrétienne au farouche vizir. Il aima mieux laisser bombarder Santa-Maura et la voir tomber aux mains des plus redoutables ennemis de son pays que de l’abandonner à l’islamisme : noble conduite que le lord haut-commissaire Maitland avait trop oubliée quand il céda Parga au despote de l’Épire.

Lorsque les Anglais se substituèrent aux Français dans les Iles-Ioniennes, ils semblaient décidés à prendre pour règles des principes

  1. Cette expression est fort inexacte : il n’y a pas plus de religion grecque que de religion slave ou anglo-saxonne. L’église grecque n’exerce pas sur les orthodoxes la même primauté que l’église romaine sur les catholiques.
  2. Malgré cette déclaration, un décret de l’empereur Napoléon renferma la conquête dans les limites d’un simple protectorat.
  3. Et non pas en 1815, comme je l’ai dit par inadvertance dans un précédent article.