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Scheffer : « Je sais qu’en combattant Passevend-Oglou, je fais une démarche qui déplaira à mes amis, mais ma position m’y contraint. » À son retour, il ne changea point de langage. Tout en ordonnant de nouvelles levées, il protestait de son attachement, à la France. Enfin, lorsque la Sublime-Porte eut déclaré la guerre à la république (1er reyboul 1213 de l’hégire, 10 septembre 1798), il crut qu’il était temps de lever le masque. Il attira « son frère, » l’adjudant-général Rose, à une conférence, et à l’issue d’un de ces festins où il aimait à étaler une magnificence vraiment orientale, il lui fit mettre les menottes, l’envoya à Janina, ensuite, à Constantinople, où il mourut prisonnier. Considérant cette lâcheté comme une manière digne de lui d’ouvrir les hostilités, il s’empara de Butrinto, dépendance des Iles-Ioniennes, et se disposa à marcher sur Prévésa.

Le général Chabot, qui avait succédé à Gentilly, comprit mieux que lui la véritable politique que la France devait suivre dans ces contrées. Il s’efforça de rassurer les consciences alarmées, de calmer jusqu’à un certain point l’irritation des Ioniens; mais le combat de Prévésa, où les Souliotes et les Prévésans avaient promis de seconder les Français, prouva que les anciens griefs n’étaient pas oubliés. Le général La Salcette, abandonné de ses alliés, ne put triompher des musulmans malgré le courage de ses troupes, qui pendant six heures tinrent tête aux forces d’Ali avec l’ordinaire intrépidité des soldats de la France.

Bientôt le tsar Paul Ier, qui n’était pas le moins ardent adversaire de la république française, alla jusqu’à renoncer, en haine de la révolution et de la France, à la politique de Pierre Ier et de Catherine II. Au lieu de profiter des circonstances pour accabler l’empire ottoman, alors que Bonaparte conquérait l’Égypte, il s’allia avec Sélim III, et l’on vit une flotte turco-russe attaquer les Iles-Ioniennes. Corfou, bien qu’admirablement défendue par les Français, capitula le 7 mars 1799, et les garnisons, prisonnières de guerre, rentrèrent par Toulon sur le territoire français. Paul semblait tellement dévoué aux intérêts des Turcs, que la convention de Constantinople, signée le 21 mars 1800, accordait au padishah un droit de suzeraineté que les Ioniens n’avaient jamais reconnu. Il est vrai que si la « république septinsulaire » était déclarée « vassale et tributaire » du sultan, le tsar se réservait la réalité d’un protectorat dont la Turquie n’avait que l’apparence. En effet, l’article 5 de la convention accordait à l’empereur de Russie le droit de mettre garnison dans les forteresses et dans les ports. Cette organisation aurait pu paraître bizarre, si les troupes russes n’avaient dû évacuer le pays à la fin de la guerre qui embrasait l’Europe. Quand la paix d’Amiens obligea les puissances à déposer les armes, cette clause était si bien oubliée, que la jeune république fut mise sous la protection de la