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couvre leur menton ; une jupe blanche, relevée sur la tête, leur sert de mantelet. Leur coiffure est un chapeau à trois cornes, orné de fleurs et de rubans ; leurs cheveux sont tressés et pendans. Les hommes qui les accompagnent ont un costume à peu près semblable à celui des Corfiotes.

Cependant on aperçoit le vaisseau du général qui bat pavillon carré au grand mât. Dès qu’il est entré dans le port, les vaisseaux, les galères et la place le saluent. Toute la garnison prend les armes, et l’on voit défiler successivement les artilleurs à l’habit gris de fer, l’infanterie italienne aux uniformes blancs, les Esclavons aux longues tuniques rouges. À peine débarqué, M. Widman se rend au palais, résidence des provéditeurs-généraux. Il est reçu avec de grands honneurs, au haut de l’escalier, par son prédécesseur en costume officiel. Ce costume est composé d’une longue robe de satin rouge doublée de drap d’or, d’une immense perruque, d’un chapeau, d’un habit, de bas et de souliers rouges. N’oublions pas la canne, qui est ici le symbole de l’autorité[1], et l’épée ornée d’un énorme gland d’or. Les deux fonctionnaires entrent en même temps dans la salle d’audience, M. Widman gardant toujours la gauche de son prédécesseur, Lorsqu’ils ont pris place dans deux vastes fauteuils de velours cramoisi, devant une table qui supporte le livre des Évangiles posé sur un coussin de drap d’or, le chancelier de M. Widman lit le décret du sénat qui l’investit du gouvernement des îles. Cette lecture achevée, un des aides-de-camp de l’ancien général présente à son successeur la canne symbolique. L’ex-provéditeur passe aussitôt dans un autre appartement pour se dépouiller de sa robe ; mais il conserve l’habit, les bas et les souliers rouges jusqu’à son départ pour Venise.

Quelques jours se sont à peine écoulés, et Corfou se dispose à donner une grande fête au nouveau général. Au lever de l’aurore, les batteries font un salut de vingt et un coups de canon. Dès le matin, deux tambours parcourent la ville pour annoncer que son excellence paraîtra en public. Un arc de triomphe, formé de colonnes en bois peint, s’étend de la tête du pont de la « Forteresse-Vieille » jusqu’à l’entrée de la « rue des Eaux. » La façade est couverte d’inscriptions en grec, en italien et en latin. Au-devant de l’arc, quatre figures représentent la justice, la force, l’abondance et la religion. Les principales rues sont tapissées d’étoffes de différentes couleurs et ornées d’une infinité de tableaux. Des pavillons flottent au haut des maisons. Dans la « rue des Eaux, » on dispose de place en place des orchestres et des buffets de rafraîchissemens. Quelques angles formés par les maisons abritent des espèces de reposoirs

  1. Aussi était-il défendu de porter une canne à ceux qui n’avaient pas d’emplois éminens.