dans l’histoire des Iles-Ioniennes depuis la domination vénitienne jusqu’au protectorat britannique, en s’aidant des recherches les plus récentes, des documens les plus dignes de confiance. C’est ce que je voudrais essayer. L’époque où je me place n’est pas sans doute la plus glorieuse de l’histoire des Sept-Iles. J’aurais pu rappeler le noble rôle qu’ont joué les Ioniens d’abord comme peuple hellénique, puis sous le protectorat de Rome et de Byzance, enfin dans leurs luttes mémorables contre la barbarie musulmane. Quelque chers que de pareils souvenirs puissent être aux peuples de l’Ionie, je les néglige à dessein pour ne m’occuper que de leurs intérêts présens, et à défaut des pages les plus brillantes de leurs annales, on trouvera ici les plus récentes et les plus instructives.
Pour apprécier avec impartialité le gouvernement de Venise dans les Iles-Ioniennes, il faut, ainsi que l’a fait un savant publiciste de Zante, M. Hermann Luntzi, en étudier avec soin tous les rouages. Après avoir, dans une introduction fort étendue, raconté l’histoire des Sept-Iles depuis la quatrième croisade jusqu’à la soumission aux Vénitiens, l’écrivain dont nous parlons, cessant de se préoccuper des révolutions et des batailles, s’attache à donner à ses lecteurs une idée exacte du régime qui a pesé sur ses compatriotes jusqu’à l’arrivée des Français. Ce régime a laissé dans les mœurs des Ioniens une trop profonde empreinte pour qu’il ne convienne pas de le décrire avec quelques développemens.
Corfou était le centre des possessions de Venise dans la Mer-Ionienne et sur les côtes de l’Albanie. Toutes les autorités, qu’elles fussent étrangères ou indigènes, dépendaient du provéditeur-général, qui résidait dans la capitale de cette île. Ce haut fonctionnaire, véritable souverain temporaire, comme les domni de la Valachie ou de la Moldavie depuis le traité de Balta-Liman, était nommé pour trois ans par le sénat de Venise. Il était choisi parmi les membres de cette aristocratie vénitienne qui, après avoir montré tant de vigueur et d’intelligence politique, était au XVIIIe siècle si tristement dégénérée. Les fonctionnaires vénitiens venaient moins dans les îles pour servir la sérénissime république que pour s’y enrichir. Venise s’imposait sans doute de grands sacrifices afin d’empêcher quelques abus; mais ce qui la préoccupait surtout, c’était l’importance militaire des îles. Or les sommes considérables qu’elle consacrait à l’entretien des troupes et des flottes stationnées à Corfou étaient en partie dévorées par des employés infidèles; les soldats manquaient des choses les plus essentielles, et la marine se voyait condamnée par de coupables prévarications à la plus complète impuissance.
Si les agens de Venise dissipaient follement ses trésors, on doit supposer qu’ils n’agissaient pas avec plus de désintéressement à l’é-