venait de se présenter. Arthur devint en peu de temps le camarade inséparable de Martin, si bien que Tom, qui avait pris au sérieux son rôle de protecteur, confesse que cette intimité excita en lui quelques sentimens de jalousie. Les courses à travers la campagne, à la recherche des lézards et des nids d’oiseaux, composent une peinture charmante, et qui donnerait presque envie de redevenir enfant. Les physionomies juvéniles et si diversement caractérisées de Tom le batailleur, d’Arthur le mélancolique, de Martin le naturaliste, d’East le persifleur, forment un groupe intéressant qui ferait honneur au pinceau de Lawrence.
Au bout de quelques années de promenades scientifiques, la personne d’Arthur avait subi une complète transformation. Son caractère, sans rien perdre de sa discrétion, s’était ouvert à l’enjouement, ses nerfs s’étaient affermis, et maintenant il était capable de prendre part aux combats les plus périlleux et aux exercices les plus fatigans de l’école. Tel était le résultat des conseils et de la protection de Tom Brown. De son côté, Tom avait beaucoup gagné dans la compagnie d’Arthur. La société de cet enfant mélancolique avait raffiné sa sensibilité, éveillé son esprit moral. Il avait eu honte de sa grossière turbulence, de son défaut d’application, de son peu de goût pour l’étude et le travail. En un mot, il s’était trouvé prosaïque, et s’était senti humilié de cette découverte. Lui qui n’estimait que la force et l’adresse, il avait été vaincu par un enfant gauche et faible. Arthur avait aussi réveillé dans son cœur les sentimens de religion, qui n’avaient jamais été éteints en lui, mais qui y avaient été longtemps assoupis. Les deux enfans s’étaient corrigés l’un par l’autre sous l’influence d’une sympathie sans contrainte.
L’amitié d’Arthur et de Tom clôt ce livre animé et dramatique. Nous devons féliciter l’auteur anonyme du relief de ses peintures, de la réalité de ses descriptions, de la précision savante avec laquelle il a su rendre tant de détails insignifians en apparence, et surtout du ton cordial et sympathique de son livre. Nous lui ferons cependant une ou deux chicanes. En premier lieu, le style de son livre, quoique très cherché et très tourmenté souvent, est cependant loin d’être original. C’est une copie de ce style pittoresque et presque dramatique inventé par Thomas Carlyle, et si ingénieusement vulgarisé dans ces dernières années par M. Kingsley. La copie est excellente, mais on sent que l’auteur a eu un modèle devant les yeux, et qu’il est graveur plutôt que peintre. En second lieu, le sentiment principal du livre est une grande et respectueuse vénération pour le docteur Arnold. Ce sentiment, qui éclate presque avec des sanglots à la fin du livre, est comme la source secrète qui donne à toutes ces pages leur vivacité et leur fraîcheur. Néanmoins nous