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Le gouvernement est toujours conforme aux mœurs, par conséquent le gouvernement d’une école publique anglaise est essentiellement libéral. L’autorité supérieure, représentée par le directeur, règne et gouverne le moins possible ; elle descend rarement de ses hauteurs mystiques, n’intervient que dans les grandes occasions, et ne compromet pas sa dignité en se mêlant à de misérables querelles d’écoliers, ou en faisant gronder ses foudres pour des fautes vénielles. À proprement parler, il n’y pas de gouvernement dans une école publique anglaise ; il n’y a qu’une police. Cette police est exercée par les élèves de la division supérieure, par les grands et les anciens. Les proepostors, c’est le nom que portent ces magistrats, sont chargés de faire observer les statuts de l’école, de surveiller la conduite des plus jeunes élèves, de prévenir les agressions, de punir les lâchetés. Voilà, dira-t-on, une police qui doit être bien indulgente, car que peut-on attendre de magistrats qui auraient eux-mêmes besoin d’être surveillés ? Ces magistrats ont incontestablement plus d’indulgence que n’en auraient, des surveillans gagés, puisque ce sont leurs propres confrères qu’ils ont à gouverner et à juger ; mais leur tolérance, quoique fort large, a cependant des limites qu’elle ne peut dépasser sans danger pour eux-mêmes. L’autorité qu’ils exercent leur a été déléguée, et ils l’exercent sous leur responsabilité. C’est à eux qu’il sera demandé compte des écarts qu’ils auront tolérés, des illégalités sur lesquelles ils auront fermé les yeux. On ne peut pas attendre d’eux un excès de zèle intempestif, puisqu’ils ont été établis précisément pour épargner à l’école une surveillance hargneuse et despotique ; on a le droit seulement d’exiger une vigilance morale, amicale, fraternelle. Cette magistrature repose sur un principe excellent : c’est que les enfans, comme les jeunes gens, comme les hommes faits, peuvent seuls faire la police de leurs actions. Les motifs de la conduite d’un enfant ne peuvent être bien appréciés que par ses compagnons. Eux seuls savent distinguer s’il est réellement coupable, car ils participent pour ainsi dire de son caractère et connaissent ses mobiles secrets de détermination et d’action. L’homme chargé de gouverner les enfans ne juge jamais que le fait&extérieur et brutal, il s’attache pharisaïquement à la lettre des règlemens ; l’enfant au contraire jugera l’acte d’après ses causes.

Dans les mœurs de tel ou tel âge de la vie, il y a une foule de nuances délicates qui échappent aux personnes qui ont franchi cet âge. En voulez-vous des exemples ? Un jour, Tom Brown eut un combat acharné avec un enfant beaucoup plus fort et un peu plus âgé que lui. Tom avait été entraîné au combat par un mobile tout chevaleresque ; il s’agissait d’empêcher un brutal de tyranniser un enfant faible, délicat et timide, qui ne pouvait opposer à la tyrannie