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commençait à prendre parti pour le vieux, lorsqu’un petit monsieur sort de la voiture. — Je ne vais qu’à trois milles plus loin ; le nom de mon père est connu, il s’appelle Davis : j’irai avec ce gentleman devant le magistrat ; laissez partir la voiture. — Es-tu le fils du curé Davis ? demande le vieux. — Oui, dit le jeune homme. — Eh bien ! je suis très fâché de te rencontrer en si mauvaise compagnie ; mais, par égard pour ton père et pour toi, je ne pousserai pas l’affaire plus loin. — Alors voilà que tous les jeunes gens l’applaudissent, et qu’ils viennent s’excuser, lui demander pardon, lui serrer la main ; mais cela ne les corrigea pas : dix minutes après, ils étaient aussi endiablés qu’auparavant. » Tom triomphe en écoutant ces exploits, comme s’ils étaient les siens, il lui semble qu’on lui parle de sa propre gloire, il se sent fier d’appartenir à une corporation aussi turbulente, et arrive à Rugby en rêvant sarbacanes, vitres brisées, Irlandais furieux et voyageurs mystifiés.

À la porte du collège, il est reçu par un jeune élève à qui il a été recommandé, et qui doit l’instruire des Ils et coutumes de la maison pendant les premiers temps de son séjour. « Posez bien vite cette casquette et prenez un chapeau ! Que diraient les jeunes gens s’ils vous voyaient avec une casquette ? Les farces ne finiraient pas. » Telle est la première recommandation du jeune Harry East, qui sait peut-être par expérience qu’il faut avant toute chose craindre de laisser une impression ridicule ; puis, la casquette échangée contre un chapeau, East conduit Tom dans son étude. L’esprit de liberté mène à la séparation ; aussi les écoliers anglais ne connaissent-ils pas cette promiscuité et ce communisme d’habitudes qui sont le cauchemar de l’écolier français. La longue salle d’études française avec ses quatre murailles nues, ses longues rangées de pupitres étroits, ses bancs de bois insupportables où les écoliers travaillent, qu’ils en aient envie ou non, sans oser lever la tête, sous la surveillance d’un pauvre diable haï de tous comme tyran et comme espion, est inconnue aux jeunes Anglais. Une petite salle d’études propre, nette, soigneusement tenue, est allouée à chaque couple d’écoliers, qui portent dans le jargon de l’école le nom de chums (camarades de chambre). Là les élèves étudient librement, préparent librement leurs travaux, causent librement. Ces petites salles sont pourvues d’un ameublement, propriété particulière des écoliers, dont la salle d’études d’Harry East pourra donner une idée. Dès le collège, les Anglais sont habitués au comfort et aiment à trouver autour d’eux les commodités de la vie. La salle d’études d’Harry East contenait donc une grande table couverte d’un tapis, un sopha assez large, une chaise en bois, des rayons de bibliothèque. Les murs étaient boisés, tapissés et ornés de gravures représentant