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un publiciste qui n’a garde de rien négliger sous ce rapport, M. Tegoborski, évalue seulement à 223,000 le nombre actuel des individus mâles appartenant à cette catégorie.

Les odnodvortsy se rencontrent surtout dans les gouvernemens de Koursk, Tambof, Voronèje, Orel, Penza, Orembourg et Saratof. Les uns sont propriétaires, les autres simplement usufruitiers de petites portions des biens de l’état.

Les paysans appartenant à l’administration des postes sont tenus de fournir les chevaux et les charrettes nécessaires, avec le postillon (jemtschik), au lieu de faire la corvée ou de payer une redevance pour les terres qui leur sont concédées. Leur nombre tend à diminuer.

Les paysans de l’administration des forêts ne se rencontrent plus que dans les sept gouvernemens de Kazan, Nijni-Novogorod, Orembourg, Simbirsk, Tambof, Wiatka et Penza. Ils descendent des anciens Tartares, qui remplissaient autrefois différens services pour le compte du gouvernement, et des Mordouins, qui étaient auparavant assujettis à un tribut en peaux d’animaux à fourrure. En échange de ces prestations, ils sont employés à différens travaux dans les forêts de la couronne. Au recensement de 1811, la population masculine de ces paysans s’élevait à 643,000 ; mais sous l’influence de règlemens ultérieurs ce chiffre a été réduit à 140,000.

Les paysans des apanages paient une redevance sous le titre d’obrok, comme presque tous les paysans de la couronne.

D’après les calculs de M. Tegoborski, le nombre des paysans serfs appartenant à des particuliers s’élèverait actuellement à près de douze millions. Occupons-nous d’abord de ceux-ci, en nous réservant de montrer dans une autre étude le sort des paysans de la couronne, ainsi que l’influence de l’organisation communiste des terres qu’ils occupent.

Au moment de signaler des faits trop peu connus, nous devons d’abord écarter une objection qui n’a jamais manqué de retentir quand il a été question de restituer à l’homme le droit qu’il tient du Créateur, ce droit suprême qui ne lui permet pas d’être une propriété, parce qu’il a été créé à l’image de Dieu ! On parle de la démoralisation, de l’ignorance, de l’incapacité de l’esclave. Il suffit de connaître le peuple russe pour repousser de pareils argumens. Sans doute il est ignorant, et sa moralité laisse trop souvent à désirer ; mais ce sont les conséquences mêmes du triste sort auquel il se trouve condamné. Sa nature est bonne, et son intelligence éveillée ; il faut même qu’il soit doué de rares aptitudes pour développer des qualités remarquables au milieu des liens du servage. « Le Russe, dit M. de Haxthausen, a une disposition merveilleuse pour toute chose : par sa facilité à améliorer sa position sociale, il l’emporte peut-être sur toutes les autres nations. Le plus souvent