qu’il méritait. Il se sentit plutôt gagné par les câlineries et l’apparente bonhomie d’Olaüs, et c’est à lui qu’en dehors des questions d’équité, sur lesquelles mon père maintenait le niveau d’une impartialité rigoureuse, il accordait ses sympathies et sa préférence. Mon père quitta le château après avoir essayé d’y fixer la résidence des deux frères. Olaüs paraissait désirer qu’il lui fût permis de garder un pied-à-terre au Stollborg. Adelstan s’y refusa avec une fermeté qui parut un peu dure.
« Aussitôt qu’Olaüs fut parti pour Stockholm, où il devait se fixer, Adelstan fit venir sa femme, qui, pendant les discussions d’intérêts, était restée chez une amie à Falun avec son fils, âgé de quelques mois, et le jeune ménage s’établit à Waldemora. C’est alors qu’après beaucoup de soupçons et de commérages, on prétendit découvrir un secret que les deux jeunes époux n’avaient jamais révélé au public. La baronne Hilda était, dit-on, catholique. On raconta qu’élevée en France, elle avait subi l’ascendant d’une tante et de son entourage, qu’elle s’était imprudemment jetée dans les études théologiques, et qu’elle s’était égarée, par orgueil de science, jusqu’à abjurer la religion de ses pères, qu’elle trouvait trop nouvelle. On a dit aussi qu’on lui avait fait voir de faux miracles et arraché des vœux imprudens. Je ne puis vous édifier sous ce rapport. Je n’ai pas connu cette baronne, bien que je fusse en situation de la connaître : mais l’occasion ne s’en est pas trouvée. On dit qu’elle était très intelligente et sérieusement instruite. Il est fort possible qu’elle ait cru sa raison et sa conscience intéressées à ce changement de religion, et, quant à moi, j’absous très philosophiquement sa mémoire. Malheureusement il n’en pouvait être ainsi dans l’opinion publique. On est très attaché en Suède à la religion de l’état. On peut compter les dissidens ; on les réprouve et même on les persécute, non pas aussi cruellement que dans les âges moins éclairés, mais encore assez pour rendre leur existence difficile et amère. La loi permet de les exiler.
« Ce fut donc un épouvantable scandale quand on sut ou quand on crut savoir que la baronne, que l’on ne voyait pas très assidue au prêche de sa paroisse, avait érigé en secret, dans le vieux donjon où nous voici, une chapelle en l’honneur de la vierge Marie, et qu’à défaut d’offices récités par un prêtre de sa religion, elle s’y livrait seule à des pratiques de dévotion particulière, les paysans disaient de sorcellerie. Cependant, comme la baronne ne faisait point de prosélytisme et qu’elle ne parlait jamais de sa religion, on s’apaisa peu à peu. Elle répandit beaucoup de bienfaits, et les grâces de son esprit vainquirent beaucoup de préventions.
« Les jeunes époux étaient fixés à Waldemora depuis environ trois