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tières. À l’époque où le Stollborg, abandonné pour le château neuf, était devenu une ferme rurale, on comptait dans le pays plusieurs gaards disposés de cette façon. Comme dans toute la Suède et dans tous les pays où l’on bâtit en bois, celui-ci avait souvent pris feu, et les plus anciens de ces petits édifices en portaient encore la trace. Leurs arêtes carbonisées et leurs toits déjetés tranchaient comme des spectres noirs sur les fonds neigeux de la montagne.

Le préau, entouré de son hangar moussu, qui reliait tant bien que mal les diverses constructions, et dont la toiture de planches brillait d’une frange de stalactites de glace, offrait ainsi l’aspect d’un groupe de chalets suisses abandonnés. Depuis longtemps, la ferme avait été transportée ailleurs et le manoir tout entier laissé à la disposition de Stenson, qui ne faisait plus réparer ces cabanes sans valeur et sans autre emploi que celui d’emmagasiner quelques fourrages et légumes secs. Les dalles brutes de la cour étaient creusées au hasard de mille rigoles raboteuses tracées à la longue par les violens écoulemens du dégel ; pas une porte ne tenait sur ses gonds, et il semblait qu’à moins de quelque vœu aussi efficace que celui du premier châtelain, le moindre coup de vent dût, au premier printemps ou au premier automne, balayer ces masures au fond du lac.

La seconde petite cour, située derrière celle-ci, était une annexe plus moderne, d’un caractère moins pittoresque, mais infiniment plus comfortable. Cette annexe datait de l’époque où le baron Olaüs de Waldemora avait hérité des biens de son frère Adelstan et pris possession du domaine. Il avait fait construire une sorte de second petit gaard pour son fidèle Stenson, afin, disait-on, de le décider à ne pas quitter cette résidence, dont il avait horreur. L’annexe formait donc un autre groupe, situé en contre-bas du premier, sur le versant du rocher. Ses toits en pente s’adossaient à la roche brute, et présentaient la singulière disposition en usage dans le pays, à savoir une couche de troncs de sapins bien joints par de la mousse, puis recouverts de feuilles d’écorce de bouleau et enfin d’une couche de terre semée de gazon. On sait que les gazons sur les toits rustiques de la Suède sont particulièrement soignés, quelquefois même dessinés en parterres, avec des fleurs et des arbustes. L’herbe y pousse drue et magnifique, les troupeaux y cherchent le plus friand morceau du pâturage.

C’est dans cette partie du vieux manoir appelée spécialement le gaard, tandis que l’autre retenait celui de préau, que Stenson vivait depuis une vingtaine d’années, si cassé et si frêle désormais, qu’il ne sortait presque plus de son pavillon, bien chauffé, meublé avec une extrême propreté et peint en rouge à l’extérieur, à l’oxyde de fer. Là, il avait certainement toutes ses aises : son appartement isolé