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à peine le vœu fut-il prononcé, qu’un donjon de granit s’éleva comme par enchantement des entrailles du rocher, et, le châtelain s’étant fait baptiser, jamais plus l’ouragan n’ébranla sa puissante et solide demeure.

En dépit de cette véridique histoire, les antiquaires du pays osaient dire que la tour carrée du Stollborg ne datait que de l’époque du roi Birger, c’est-à-dire du xive siècle. Quoi qu’il en soit, le château et le petit domaine avaient été acquis par un brave gentilhomme du nom de Waldemora au xve siècle. Au xviie, Olaf de Waldemora devint le favori de la reine Christine, qui, en vertu d’une aliénation arbitraire de plusieurs fragmens du domaine de la couronne, lui fit don de terres considérables dans cette partie de la Dalécarlie. L’histoire ne dit pas que ce Waldemora fut l’amant de la fantasque héritière de Gustave-Adolphe. Peut-être, dans un besoin d’argent, la reine lui céda-t-elle à bas prix ces importantes propriétés. Il est certain qu’à la réduction de 1680, lorsque l’énergique Charles XI fit réviser tous les titres d’acquisition et rentrer au domaine de la couronne tout ce qui avait été indûment aliéné par ses prédécesseurs, mesure terrible et salutaire à laquelle la Suède doit la dotation des universités, des écoles et des magistrats, la création de la poste aux lettres, de l’armée indelta, et autres bienfaits que les vieux bonnets n’avaient guère pardonnes à la couronne à l’époque de notre récit, le baron de Waldemora se trouva en règle, conserva les grands biens qu’il tenait de son aïeul, et acheva les embellissemens du château neuf, que celui-ci avait fait bâtir sur le bord du lac, et qui portait son nom.

Ce qui était debout de l’ancien manoir de la famille ne consistait donc que dans une tour qui paraissait fort élevée à cause du grand massif de maçonnerie au moyen duquel sa base plongeait jusqu’au bord du lac, mais qui, en réalité, ne contenait que deux étages, à savoir la chambre de l’ourse et la chambre de garde, donnant à peu près de plain-pied sur le préau, et, au-dessus, une ou deux autres chambres où, depuis une vingtaine d’années, c’est-à-dire depuis l’époque où l’on avait muré la partie intérieure, personne n’avait pénétré. Le reste du manoir, rebâti plusieurs fois, n’était qu’une espèce de gaard norvégien. On sait que le gaard est, en Norvége, une réunion de plusieurs familles vivant en communauté. Habitation de personnes, cuisines, réfectoires, étables et magasins, au lieu de se presser comme ailleurs, autant que possible, sous un même toit, forment diverses constructions dont chacune s’abrite sous un toit particulier, et dont l’ensemble présente un développement de nombreuses petites maisons distinctes les unes des autres. Plusieurs coutumes sont communes à la Suède et à la Norvége, surtout dans cette partie de la Dalécarlie qui se rapproche des montagnes fron-