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ne faisait qu’obéir à des ordres supérieurs ; puis il se retira avec ses acolytes chargés de leur butin.

Quelques jours après, je reçus une lettre de l’avocat fiscal qui m’invitait à me rendre au palais del governo novo. Cette invitation ne me surprit point, et je fus exact à m’y rendre. Là, en présence du juge d’instruction, je subis un interrogatoire qui dura quatre heures. Je m’aperçus qu’on avait compulsé et lu attentivement tous mes papiers, toute ma correspondance, et même fouillé mes livres et mes brochures. On me demanda d’interminables explications sur quelques écrits complètement inoffensifs, mais dont la forme étrange devait nécessairement exciter les soupçons d’un inquisiteur politique. Le magistrat paraissait surtout attacher une singulière importance à une satire que j’avais composée contre la célèbre danseuse Cerrito ; peut-être y voyait-il un symbole. On passa ensuite aux livres défendus, et, malgré une nouvelle exhibition de mon permis et mes énergiques réclamations, on les garda tous. Enfin, pour épuiser le sujet, on me questionna sur la manière dont j’avais publiquement parlé de certains miracles qui s’étaient produits récemment dans la ville de Rome. On m’admonesta sévèrement, et la séance fut levée après une nouvelle réprimande dont la conclusion fut que la police et le gouvernement avaient les yeux ouverts sur moi, ce dont je commençais à être persuadé.

Je croyais tout fini, lorsqu’un beau matin je reçus une lettre marquée du timbre de la police. Un gendarme l’avait apportée. Je l’ouvris en tremblant : on m’y intimait l’ordre de me rendre dans un couvent, pour y rester en retraite pendant sept jours… Sachant qu’une pareille punition était très commune à Rome, surtout parmi les jeunes gens du monde, je me soumis sans délai à l’injonction de l’assesseur du gouvernement. Je me retirai à Saint-Eusèbe, où je fis ce qu’on appelle les exercices spirituels selon la règle de saint Ignace. L’on peut juger d’un pareil moyen de conversion par l’effet qu’il produisit sur moi. À ma sortie du couvent, après huit jours d’isolement, de silence, de jeûnes, de prières et de sermons, la société m’apparut comme une institution folle, absurde, inconcevable. J’étais tout étonné de voir les hommes s’occuper encore d’affaires, s’inquiéter de leur famille, chercher à donner satisfaction à leurs sentimens ou à leurs intérêts. Aussi je fus sur le point de rebrousser