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core réduit à dire des soldats de César comme le général Bonaparte des siens : « Impossible n’est pas un mot romain ! »

D’abord nous n’avons pas ici la difficulté du passage de la Saône exécuté en présence de l’ennemi, sans coup férir, et omis dans les Commentaires ; nous n’avons plus cette fatale distance de la Saône à Alaise, les trois rivières, les montagnes et les forêts qu’il faut absolument faire franchir en deux jours. Nous avons de toutes manières les coudées plus franches.

Ainsi nous ne sommes plus obligé d’envoyer Vercingétorix se poster et se retrancher prématurément au fond de la Séquanie. Il reste à Autun, entouré des députés de la Gaule entière, expédiant partout des ordres, dirigeant les attaques prescrites contre la Province, recevant chaque jour de nouveaux détachemens, organisant son armée. Quelques marches seulement le séparent du territoire ennemi ; mais à mesure que ses forces grossissent, il se trouve trop loin des Romains, trop ignorant de leurs mouvemens. La ville même d’Autun lui semble trop exposée, et puis le terrain qui l’entoure est peu propre à l’emploi de sa cavalerie, dont il compte surtout se servir. Il est là comme enveloppé par les montagnes du Morvan et de la Côte-d’Or[1]. Or du point de jonction de ces deux chaînes se détache une sorte de promontoire qui s’avance au milieu d’un pays relativement plat et découvert. Ce pâté montagneux, où se cachent les sources de la Seine, appartient aux tribus confédérées et forme comme une enclave dans le pays des Lingons. Il se termine par une position naturellement forte, qu’on appelle aujourd’hui le Mont-Auxois, et où se trouve la petite ville d’Alise, que nous considérons en ce moment comme l’Alesia de César. Vercingétorix dut reconnaître dans cette position des avantages divers qui devaient et séduire un chef barbare et frapper un esprit aussi élevé que le sien. Elle était peu éloignée d’Autun (dix-huit lieues). Avec quelques travaux, on pouvait en faire un lieu presque imprenable, et y assurer, en cas de revers, un asile sûr à des troupes nombreuses, qui, sans péril pour elles-mêmes, y attireraient l’attention de l’ennemi et y retiendraient ses forces. Tout autour se croisaient les routes que pouvait suivre César : au sud et à l’ouest, la vallée de l’Yonne et de ses affluens ; au nord-ouest et au nord, le plateau ondulé sur lequel coulent les eaux naissantes de l’Aube et de la Seine ; à treize lieues dans l’est, derrière un rideau qui est peut-être le point le plus bas de l’épine dorsale de l’Europe, la vallée de la Tille et de la Saône. Enfin il n’était pas de situation où l’armée gauloise pût être mieux

  1. Voyez pour tout ce paragraphe les feuilles 66, 67, 68, 81, 82, 83, 97, 98, 99, 111, 112, 124, 125 et 136 de la carte du dépôt de la guerre.