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répugnances, et la chambre des lords se ralliera probablement à un bill de lord Lyndhurst qui permettra enfin au baron Lionel de Rothschild de prendre possession du siège que les électeurs de la Cité de Londres lui ont donné à la chambre des communes. Les libéraux indépendans ont obtenu dans cette chambre plusieurs succès, soit avec je concours, soit par l’abstention silencieuse des ministres. Ainsi sir John Trelawny a fait voter un bill sur l’abolition des taxes levées : pour la construction des églises, des church-rates, taxes odieuses aux dissidens, que par une injustifiable anomalie l’on oblige à concourir à l’entretien d’un culte auquel ils sont étrangers. Ce bill, voté par les communes, sera sans doute rejeté par les lords ; mais ce premier succès des adversaires des church-rates mûrit la question et accélère l’inévitable succès de cette réforme. Trois discussions et trois votes importans ont entamé partiellement la question de la réforme électorale. C’est d’abord l’abolition de ce qu’on appelle en Angleterre la qualification, ce que nous appelions le cens d’éligibilité exigé des candidats à la députation. Désormais les membres de la chambre des communes ne seront plus tenus de justifier de la quotité de propriété qui était censée assurer leur indépendance. Cette justification de propriété était souvent illusoire ou vexatoire, et le gouvernement, par l’organe de M. Walpole, y a renoncé. Une seconde question électorale plus importante, qui a été soulevée par la motion annuelle de M. Berkeley, a servi aux libéraux indépendans pour indiquer aux whigs le terrain sur lequel ils leur offraient la paix ou la guerre. C’est la question du ballot ou du scrutin secret substitué au vote public dans les élections. M. Bright a prononcé dans cette discussion un de ses meilleurs discours, et c’est lui qui a posé aux whigs les conditions de l’alliance. Lord John Russell ne s’est pas rendu à cet appel ; il a combattu le ballot. La motion a été rejetée, mais elle a obtenu la plus forte minorité qu’elle ait encore réunie. Enfin M. Locke King a vu la majorité se prononcer en faveur de la seconde lecture du bill qu’il présente chaque année pour modifier le cens électoral dans les comtés. Ces discussions, auxquelles les membres les plus importans du ministère n’ont pas pris part, préludent à la grande mesure d’une nouvelle réforme électorale que le ministère se dispose évidemment à présenter dans la prochaine session. La réforme électorale si des événemens imprévus ne l’ajournent point encore une fois, sera le grand débat anglais de l’année 1859, et c’est la question qui rétablira les classifications régulières des partis.

Si M. Bright et ses amis n’ont pas à se plaindre jusqu’à présent des résultats de l’évolution parlementaire qu’ils ont accomplie, il est juste de reconnaître que le ministère de lord Derby, par le zèle qu’il a déployé dans la conduite de certaines questions diplomatiques et par les succès qu’il a obtenus, a mérité les suffrages des membres impartiaux et indépendans du parlement. Lord Malmesbury a été notamment habile et heureux dans l’affaire des mécaniciens anglais et du Cagliari. Il serait à désirer que l’arrangement de cette délicate affaire, dans laquelle les bons offices de la France ont secondé les efforts du cabinet anglais, lut un acheminement au rétablissement des relations diplomatiques entre la cour de Naples et les puissances occidentales. Malgré l’émotion causée aux États-Unis par les visites vexatoires que les croiseurs anglais de la côte de Cuba ont fait subir à