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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




14 juin 1858.

Nous trompons-nous ? L’événement le dira ; mais il nous semble que les intérêts politiques sont destinés à prendre bientôt une plus large place dans les préoccupations publiques. Nous n’avons point la prétention d’être prophète, encore moins nous plairions-nous au rôle de prophète de malheur. Aussi n’est-ce point d’incidens fâcheux que nous attendons le réveil de l’esprit politique en France. Pour pressentir que cet assoupissement de lassitude et de dégoût qui avait succédé à de confuses et pénibles agitations aura un terme prochain, nous n’avons qu’à observer la maturité des situations, à nous souvenir des enseignemens de l’histoire, à croire à la sève de l’esprit français, et à nous fier à cette indomptable nécessité de progrès qui fait vivre d’une vie si rapide les sociétés du XIXe siècle.

Parmi les intérêts auxquels les hommes de notre temps sont le plus attachés, il n’en est point qui ne devienne question de gouvernement et n’aboutisse à la politique. Pour un peuple éclairé comme le nôtre, pénétré jusqu’à la moelle de l’esprit d’égalité, émancipé par plusieurs révolutions de la tutelle arbitraire des individus ou des classes privilégiées, il n’y a quant à ces questions sans cesse renaissantes, et auxquelles sont suspendues toutes les existences, de bonnes solutions que celles qui s’élaborent au sein de l’opinion publique, édifiée par les informations les plus complètes, éprouvée par les discussions les plus franches et les plus libres. Les gouvernemens modernes, quelle que soit leur forme, n’ont de vitalité que dans la mesure on ils inspirent l’opinion et s’inspirent d’elle. Si ce combustible de la vie politique, la discussion, venait à être étouffé et à s’éteindre, ce ne serait point impunément. Il en résulterait une paralysie de la vie sociale et politique, des dissonances entre la marche des gouvernemens et le mouvement instinctif et latent de l’opinion, de vagues inquiétudes, un malaise sourd, puis à l’improviste des éclats désordonnés, des explosions destructives. Certes