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études, est loin de manquer d’intérêt, et, par plus d’une étrange analogie avec certains faits de nos histoires européennes, elle atteste une fois de plus combien il est vrai que, dans des pays bien différens, sous les formes extérieures les plus diverses, les hommes sont au fond partout les mêmes. Cette histoire nous offre la succession de trois dynasties. La première, celle des Kanuris, s’établit primitivement dans le Kanem, la province la plus septentrionale du Bornu ; elle subsista sans bruit et sans gloire jusqu’à ce que, au commencement du XIIe siècle, un de ses princes répandît au loin, sous l’impulsion de l’islamisme, sa puissance et sa renommée. L’élément aristocratique, représenté par douze grands officiers, prit de trop grands développemens, et, après des alternatives de grandeur et de misère, la dynastie des Kanuris s’éteignit à la fin du XIVe siècle, dans les troubles et les régicides. Elle fut remplacée par celle des Bulala, dont le souverain Ali-Dunamami a été la plus grande illustration, et qui se maintint puissante et respectée jusqu’à la fin du dernier siècle ; mais quand les Fellani, s’avançant en conquérans du fond des régions de l’ouest, vinrent frapper aux frontières du Bornu, elle n’avait plus l’énergie nécessaire pour résister à ces envahisseurs. Sous le roi Ali, qui mourut en 1793, et dont la principale illustration est d’avoir laissé trois cents fils, l’armée presque entière avait été exterminée dans une expédition désastreuse contre le Mandara. Aussi, lorsqu’en 1808, sous son successeur Ahmed, les Fellani envahirent le Bornu, l’indépendance de cet état était gravement menacée. Déjà l’une des capitales de l’empire était tombée au pouvoir des conquérans, quand un simple sujet, Mohammed-el-Amin-el-Kanemi, réunit autour de lui quelques aventuriers et quelques patriotes, et parvint à les arrêter. Libérateur de son pays, il joua à l’égard du prince le rôle d’un Guise ou d’un Héristal : il lui laissa les honneurs et garda la puissance. Dunama, fils et successeur d’Ahmed, tenta en vain de se défaire par l’assassinat de son redoutable sujet ; il voulut ensuite échapper par la fuite à cette tutelle et changer de séjour. Mohammed l’arrêta, le ramena dans sa capitale et le déposa. Il ne prit cependant pas la dignité royale ; il en disposa en faveur d’un oncle du roi déchu ; bientôt il déposa celui-ci à son tour, restaura Dunama, puis à sa mort il lui donna pour successeur Ibrahim, un de ses frères. Tandis que ces fantômes de souverains végétaient sans pouvoir, lui-même bâtissait, non loin du Tsad, une ville qui, du nom d’une espèce de baobab, a pris le nom de Kuka ou de Kukawa, et qui est la capitale actuelle du Bornu ; en même temps, dans des guerres avec le Bagirmi et le Waday, il s’efforça de ressaisir les provinces que le Bornu avait autrefois possédées. En 1826, il fut battu par le sultan Bello, chef de l’empire des Fellani, et il mourut neuf ans après, choisissant Omar pour successeur entre ses quarante-trois fils. Celui-ci a complété la révolution commencée par son père : aux faibles représentans de la dynastie des Bulala, il a substitué la dynastie des Kanemis, sans daigner cependant prendre le titre de sultan ; on l’appelle simplement le cheik Omar. C’est un prince de peu d’énergie, et il est possible que d’ici à quelques années de nouvelles révolutions intestines ensanglantent le Bornu.

Au sud et près de sa résidence de Kukawa, Omar a, non loin du Tsad, un autre séjour favori où il passe une partie de l’année. C’est en l’accompagnant