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de 1822 à 1824, eut pour conséquence de préciser la situation et l’étendue du lac Tsad et de ses affluens, d’établir quelques relations avec le Bornu, pays baigné par cette mer intérieure, de faire parvenir à l’Europe le nom de plusieurs autres états, la plupart inexplorés, d’apporter des révélations neuves et inattendues sur la population, les habitudes, l’état social des pays africains, enfin de faire espérer que peut-être il ne serait pas impossible d’ouvrir avec les peuplades de ce monde reculé des relations de commerce. Afin de contrôler les assertions, de compléter les faits recueillis par ces explorateurs, le gouvernement anglais décida en 1849 l’envoi d’une nouvelle expédition, et c’est à cette entreprise exécutée avec un courage et une persévérance supérieurs à tous les éloges que MM. Richardson, Barth, Overweg et Vogel ont eu, avec des fortunes diverses, la gloire d’attacher leurs noms. Richardson s’était déjà fait connaître par un voyage heureusement accompli en 1846 et 1847 de Murzuk, capitale du Fezzan, aux oasis de Ghat et de Ghadamès dans le désert. M. Barth, un des jeunes érudits les plus distingués de l’Allemagne, s’était aussi familiarisé avec la vie nomade par le long parcours du littoral de la Méditerranée et de la Mer-Noire ; il avait vécu avec les caravanes, parlé l’arabe, étudié la langue berbère : on ne pouvait être mieux préparé pour le voyage qu’il allait entreprendre. Overweg, géologue et naturaliste allemand, n’avait pas encore eu l’occasion d’acquérir l’expérience des contrées de l’Afrique, mais il était plein d’ardeur juvénile. Quant à Vogel, Allemand comme les deux derniers, c’était un astronome et un physicien de vingt-deux ans. Il ne participa pas tout d’abord à la mission, et ne partit que lorsque la mort de Richardson, en 1851, eut fait un premier vide dans les rangs de la petite expédition.

De ces quatre voyageurs, un seul est revenu : c’est Barth ; seul il a eu le bonheur de rentrer en Europe, de revoir sa patrie et sa famille, de dérouler intacts et complets les trésors de science qu’il avait amassés, de présenter aux hommes intelligens et instruits de l’Europe, qui durant cinq années ont eu les yeux tournés avec sollicitude vers les régions qu’il explorait, son ample butin. Le journal de Richardson a été publié, mais ce n’est qu’un document incomplet, puisque l’auteur est mort à mi-chemin. Les notes d’Overweg auraient eu besoin, pour être coordonnées et mises à profit, d’une main que la mort a glacée. Vogel, ce noble jeune homme auquel le climat avait pardonné, n’est que trop probablement tombé sous les coups d’un sauvage féroce. Avons-nous encore une lueur d’espoir qu’il revienne ? ses notes au moins, legs de sa science et de son courage, seront-elles sauvées ? Il n’y a personne en Europe qui puisse le dire. Toutefois, au point de vue spécial de notre curiosité, nous n’avons pas à nous plaindre ; Barth rapporte à lui seul de quoi nous surprendre et nous instruire : archéologie, ethnologie, découvertes géographiques, descriptions, détails pittoresques, les élémens les plus variés sont semés dans la relation de son voyage. Dans la multitude des faits que cet ouvrage embrasse et des pays où il promène le lecteur, il nous semble qu’il y a trois grands centres qui se détachent particulièrement : le désert, le Tsad et le Niger, et c’est sous ces divisions, tracées pour plus de clarté, que nous allons nous efforcer de le suivre.