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Il ne restait donc que les cavaliers européens pour faire face aux nécessités de la retraite. Grâce à eux, les canons servis par les Anglais purent se retirer au galop. De ceux qu’on avait confiés aux indigènes, deux seulement furent sauvés ; quatre restèrent aux mains de l’ennemi. Le Turc, — nous avons dit que c’était le nom de l’obusier, — encore attelé de ses deux éléphans, devint l’objet d’un combat corps à corps.

« Le sergent Miller, dit M. Rees, avait été envoyé pour ramener les éléphans et leur charge. Il n’y réussit pas. Le lieutenant Bonham, voyant que la cavalerie de l’ennemi se rapprochait de l’obusier, appela le capitaine Ratcliffe à son secours. Quatre hommes accoururent en conséquence, et se trouvèrent sous le feu le plus intense ; mais ils arrivèrent à temps pour disperser pareil nombre de cavaliers ennemis, déjà parvenus à la bouche même de la pièce. L’un de ces derniers, déchargeant sa carabine sur le lieutenant Bonham, le blessa au bras. Cet officier résolut, puisqu’il n’y avait pas moyen de réatteler les éléphans, d’enclouer l’obusier. Malheureusement on n’avait pas de pointe. Un sergent qui était là brisa le dégorgeoir dans la lumière, et la pièce, mise ainsi provisoirement hors de service, fut abandonnée… »

La cavalerie ennemie, commandée par cet inconnu dont nous avons déjà parlé, avait réalisé son projet, et s’était placée entre la colonne en retraite et le pont sur le Kocaralie, vers lequel les Anglais se dirigeaient alors. Il y avait là, massés, environ quatre cents sabres. Les volontaires européens, — ils n’étaient guère plus de vingt-cinq, — reçurent ordre de charger, et bien que la plupart vissent alors le feu pour la première fois, ils obéirent vaillamment. L’ennemi ne les attendit pas ; il se rabattit à sa gauche, — et par conséquent à la droite des Anglais, — vers les tirailleurs, qui, nous l’avons dit, manœuvraient de manière à venir rejoindre leur cavalerie, mais n’avaient pas encore pu y parvenir, tenus en échec par le feu soutenu des cipayes restés à leurs rangs. Dans cette charge hardie, les volontaires à cheval ne perdirent qu’un des leurs. Deux autres furent blessés ; un quatrième, dont le cheval avait été tué sous lui, et qui dans sa chute avait eu le pied démis, trouva place, comme maint autre invalide, sur un caisson d’artillerie. Après avoir ainsi débarrassé la route, ces intrépides cavaliers, longeant le flanc de la colonne, revinrent à l’arrière-garde pour couvrir la retraite de l’infanterie et des canons.

Au pont de Kocaralie, les canons furent dégagés de leurs avant-trains pour être à même d’envoyer quelques boulets à l’ennemi, dont les colonnes se rapprochaient trop. On s’aperçut alors qu’il ne restait plus une seule charge. Par bonheur, la simple démonstration de la mise en batterie avait suffi pour arrêter sur place l’armée ennemie. La retraite put continuer. Les cipayes fidèles se distinguèrent