princes indigènes était dès le principe l’objet poursuivi par le gouvernement britannique, rien ne serait plus difficile, je ne dis pas à prouver, mais à soutenir d’une manière plausible. Le système politique imaginé par Clive et suivi par ses plus glorieux successeurs, Hastings par exemple et Cornwallis, consistait à partager le pouvoir avec les princes du pays, à leur vendre le plus cher possible une protection qui les plaçait sous la dépendance du gouverneur-général, et permettait à celui-ci d’atténuer graduellement ce que leur domination avait de plus abusif. On procédait ainsi dans un double intérêt : d’abord afin de maintenir une suprématie qui, pour durer et porter tous ses fruits, devait être tolérable, ensuite, et en seconde ligne, afin de remplir le devoir de tout peuple civilisé qui est d’amener à son niveau, par tous les moyens dont il dispose, les nations barbares dont il a pris la tutelle. Que ce dernier point de vue ne soit pas celui où se placent les militaires qui vont ramasser des grades à la pointe de l’épée dans les plaines du Bengale, les gorges du Cuttak ou celles de l’Ahmednagour, nous l’admettons volontiers, et encore réclamerons-nous le bénéfice de quelques admirables exceptions. Que ce ne soit pas celui des collecteurs d’impôt qui çà et là torturent le contribuable hindou pour lui arracher ses misérables épargnes, nous l’accordons encore. Soldats et hommes du fisc toutefois ne sont ici que des agens subordonnés. La pensée qui les met en jeu, qui les emploie, est en définitive celle qui préside aux destinées d’une commomvealth dont la puissance même indique assez l’élévation morale, et qui, lorsqu’un intérêt pressant ou de conservation ou de susceptibilité nationale ne l’en fait pas dévier, se montre d’ordinaire plus soucieuse que toute autre et des droits de la conscience et de ceux de l’humanité. Sans nous croire plus naïf que de raison ou plus aveuglé qu’un autre sur les mérites et démérites du gouvernement anglais, nous pensons et soutiendrions au besoin qu’il a pour mobile, plus fréquemment que ses ennemis ne l’admettent, le noble sentiment de sa responsabilité devant le monde et devant l’histoire.
Pour justifier ce qui vient d’être dit au sujet de ces annexions de territoire qui s’accomplissent d’année en année, sous la pression de la nécessité, par des conquérans sans le vouloir, et leur attirent les plus amères censures de ceux-là même au profit desquels elles sont faites, nous n’aurions qu’à raconter en détail comment a eu lieu l’occupation du royaume d’Oude ; mais ce serait nous écarter peut-être du plan de cette étude. Il nous suffira d’exposer quelques faits principaux, qui se rattachent étroitement au sujet que nous voulons traiter.
L’Oude était jadis une dépendance féodale de l’empire du Mogol,