allumant une guerre générale dont son conseiller italien se flattait d’imposer la charge principale à la France.
Après la guerre de la succession, l’Espagne avait beaucoup souffert sans doute, et payé l’avènement de la dynastie française d’un prix que son patriotisme pouvait trouver exorbitant. Malgré ses plus vives résistances, elle s’était vue contrainte de souscrire aux dispositions des traités d’Utrecht, qui furent pour l’Espagne du XVIIIe siècle ce que les traités de Vienne ont été pour la France du XIXe. Dans les Pays-Bas, elle perdit une souveraineté que, d’après les stipulations de la barrière, l’Autriche exerça de concert avec la Hollande. En Italie, l’Espagne dut renoncer au Milanais et à ce beau royaume de Naples, éternelle tentation de l’étranger. La Sicile, érigée en royaume, resta, entre les mains du duc de Savoie, le prix d’une habileté trop voisine de la perfidie pour que le succès en pût être durable. La Sardaigne fut cédée à l’empereur, Minorque à l’Angleterre, et l’Espagne vit graver sur le rocher de Gibraltar le stigmate de sa déchéance.
Toutefois, si pénibles que fussent ces sacrifices, la plupart d’entre eux affectaient plutôt l’orgueil du pays que sa puissance, car avec le bienfait de la paix, qui lui était plus nécessaire qu’à personne, ils lui donnaient une position plus naturelle et une concentration de forces plus précieuse que des possessions lointaines très onéreuses et toujours contestées. L’Espagne, demeurée pleinement maîtresse du Nouveau-Monde et de ses possessions asiatiques, conduite à mettre en valeur l’un des plus riches territoires de l’Europe, serait restée, avec un gouvernement même médiocre, la première des puissances coloniales, et fût devenue probablement la première des puissances maritimes.
Bon juge en matière de dignité royale, Louis XIV avait pensé que son petit-fils pouvait, sans y risquer ni son honneur ni les intérêts essentiels de sa monarchie, accepter les conditions que lui imposait la rigueur des temps. La pensée qu’il exprimait en 1713 dans ses négociations secrètes avec la reine Anne, et qu’il fit, à force d’efforts, prévaloir à Madrid, n’aurait pas changé à coup sûr dans le cours de quatre années. Si donc il avait vu l’Espagne, pour assurer aux fils d’une petite princesse de Parme des souverainetés en Italie, se mettre en conspiration contre tous les traités et contre tous les gouvernemens, susciter la guerre civile en France, armer le Turc contre l’Allemagne, évoquer jusqu’au fond du Nord le concours de Charles XII et du tsar, s’il avait pu prévoir que ces préparatifs immenses aboutiraient à la destruction, dans les eaux de la Sicile, de la dernière grande flotte qu’ait eue l’Espagne, et à l’épuisement qui suit les efforts démesurés, nul doute que devant le froncement de son sourcil