tous les moyens possibles, le contact avec l’Europe, c’est contribuer efficacement à sa civilisation. Quelque faible que soit le marché offert par lui aux nations maritimes, elles auraient tort de le négliger. Un intérêt d’humanité domine d’ailleurs ici toutes ces considérations secondaires. Ni la famine, ni la misère n’ont pu conquérir aux Turcs le Monténégro. C’est par d’autres armes qu’on le pacifiera. On l’accuse de barbarie, mais cette barbarie n’est qu’un effet de son abandon ; que la cause cesse, et l’effet disparaîtra.
En quoi maintenant l’agrandissement du Monténégro porterait-il Ombrage à la puissance autrichienne ? Si l’état de guerre constant entre les Turcs et les Monténégrins est conforme à ses intentions, si elle entend profiter du malaise des provinces qui bordent sa frontière, si l’anarchie qui les désole lui paraît une condition nécessaire de son influence, alors sans doute nous comprenons son opposition, mais elle nous touche peu. Si au contraire l’Autriche est animée à l’égard de ses voisins des seuls sentimens dignes d’un grand empire civilisé, elle doit désirer leur bien-être et leur permettre de le poursuivre par tous les moyens légitimes. Dans l’aisance que leur procureront la paix et un sage règlement de leurs affaires intérieures, elle verra pour elle-même une source nouvelle de richesses. Elle renoncera volontiers au monopole des échanges avec des tribus misérables pour garder la plus grande part dans un commerce fructueux avec des populations plus heureuses. On a dit que l’Autriche ne souffrirait jamais la création d’un nouvel état sur l’Adriatique. Très souvent, et surtout pendant le voyage du prince Danilo, il a été répété que le gouvernement autrichien ne permettrait pas au chef du Monténégro d’acquérir un port de mer ; l’Adriatique, disait-on, est une mer fermée, l’Adriatique est un lac autrichien. Cette prétention ne nous paraît en vérité nullement sérieuse. Nous avons meilleure opinion du commerce de Trieste et de la marine de l’Autriche. Être jaloux du port de Spitza ou d’Antivari ! On ne nous étonnerait pas plus en nous parlant de la rivalité de Marseille et du port de Monaco. On a vanté souvent le libéralisme commercial de l’Autriche. Puisse-t-elle justifier ces éloges ! La place ne lui manque pas, et elle ne doit pas envier une misérable crique sur une mer où elle possède tant de côtes encore désertes, et assez de ports et de rades pour abriter à l’aise une marine vingt fois plus considérable que la sienne.
Sur l’Adriatique comme sur le Danube, l’Autriche a la meilleure part ; elle peut s’en contenter. Sur l’Adriatique aussi comme sur le Danube, elle trouve à côté d’elle des peuples qui veulent vivre par eux-mêmes et vivre de la vie de notre siècle. Qu’elle ne leur fasse pas obstacle, nous n’avons rien de plus à exiger de l’Autriche. Tant que