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la nouvelle de la mort du vladika et les graves événemens qui venaient de s’accomplir dans sa patrie. En effet, le président du sénat, Pero Tomo Petrovitch, frère du vladika défunt, s’était emparé de l’autorité, et comme il était marié et ne pouvait par conséquent être déclaré évêque, il s’était fait proclamer par le sénat prince-gouverneur du Monténégro. On paraissait avoir accepté cette usurpation. La situation était difficile. Danilo n’hésita point à venir réclamer son héritage, et fit connaître dès ce jour l’énergie de son caractère. Parti précipitamment de Vienne, il arrivait à Cétinié le 16 décembre, s’installait hardiment dans le palais du vladika, et bientôt après convoquait le peuple. De son côté, le sénat était réuni ; Pero Tomo présidait l’assemblée. Danilo demande qu’on lui remette le pouvoir ; Pero Tomo refuse. Alors Danilo, s’adressant au peuple, demande de quel droit on a disposé de la succession du vladika défunt. Tous connaissaient les clauses du testament et les avaient acceptées, tous avaient juré obéissance quelques jours auparavant. Il leur rappelle l’anathème prononcé par le vladika contre celui qui manquerait à ses dernières volontés. Cette attitude énergique et l’éloquence de ce jeune homme domptèrent toutes les résistances. Les mutins se soumirent, et le président du sénat lui-même, Pero Tomo, fut le premier à rentrer dans le devoir.

Après avoir pris possession de l’autorité et conquis d’un seul coup un prestige qui ne devait plus l’abandonner, Danilo songea à remplir la dernière volonté de son oncle en allant en Russie demander la consécration religieuse de son pouvoir. Ce n’était pas néanmoins sans répugnance qu’il se pliait à cette nécessité. Il savait qu’à la mort de chaque vladika les prétentions des neveux évincés de la succession agitaient le pays. Les fonctions d’évêque étaient d’ailleurs trop en contradiction avec les devoirs d’une position sans cesse guerroyante. Les anciens vladikas eux-mêmes et le peuple avaient bien senti cette incompatibilité, puisqu’ils avaient établi auprès de l’évêque un gouverneur civil qui était censé prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la défense du territoire et l’ordre intérieur. Le gouverneur lui-même était un danger. Aussi Danilo proposa-t-il à l’assemblée générale, réunie à Cétinié le 23 janvier 1852, de revenir à l’ancienne forme princière, à celle qui avait régi le Monténégro pendant plusieurs siècles, sous la dynastie des Tsernoïevitch. On nommerait alors un évêque qui n’aurait que la juridiction spirituelle. Le peuple ayant approuvé cette détermination, Danilo se décida à partir immédiatement pour la Russie, afin d’obtenir l’adhésion du tsar, dont il voulait s’assurer l’appui. L’empereur Nicolas accueillit le jeune prince comme il aurait accueilli son fils : il l’embrassa sur les lèvres et lui déclara