Page:Revue des Deux Mondes - 1858 - tome 15.djvu/550

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

toute naturelle, si l’on veut bien réfléchir d’une part qu’un tel essai correspondait à la principale préoccupation du moment, celle de relever la noblesse ; de l’autre, que parmi les défenseurs de celle-ci il n’en était aucun qui, lors même qu’il osait, comme Fénelon, prononcer quelquefois le nom des états-généraux à titre de remède extrême et temporaire, admît la convenance d’une institution permanente existant avec des attributions politiques en dehors de la royauté.

Moins de quinze jours après la séance du 2 septembre et le lit de justice dont elle avait été suivie, le nouveau gouvernement était organisé. Son mécanisme, simple dans la forme, mais compliqué dans l’application, laissait pressentir quelque chose de l’ingénieuse stérilité des combinaisons de Sieyès. Six conseils correspondant aux anciens départemens ministériels élaboraient toutes les affaires de l’église, de la guerre, des finances, de la marine, du dedans et du dehors du royaume. Composé de douze membres au début, nombre bientôt doublé par le laisser-aller du régent, chacun d’eux, par l’organe d’un rapporteur, venait exposer les questions devant le conseil de régence, qui statuait à la pluralité des voix.

Une expérience chèrement acquise nous fait saisir aujourd’hui très facilement les défectuosités d’un plan qui remettait à la loquacité d’une cohue de seigneurs étrangers aux affaires toute la puissance exécutive, en faisant perdre à celle-ci l’unité et le secret qui en sont l’essence. Chacun devine assurément qu’un tel essai préparait un prompt retour vers un pouvoir exercé par des agens sérieux sous l’inspiration d’une volonté dominante ; mais la cour, enivrée d’une importance si nouvelle, et le pays surtout, qui mesurait la valeur des réformes à la grandeur des changemens opérés dans le régime sous lequel il avait tant souffert, applaudirent avec transport, de telle sorte que la régence obtint cette popularité assurée à tous les pouvoirs nouveaux jusqu’au jour où ils sont conduits, par l’effet même de leurs concessions, à réagir contre les influences qui les ont élevés.

Les choix du duc d’Orléans pour les divers conseils, y compris même le conseil de régence, attestaient l’esprit facile et aussi l’habileté peu scrupuleuse qui allaient distinguer son gouvernement. Une large part fut faite aux hommes de la vieille cour, et en même temps leur influence fut partout soigneusement paralysée ou par les amis personnels du régent ou par les ambitieux dont le dévouement était trop récent pour n’être pas servile. Aux hommes de l’ancien ordre de choses appartenait d’abord le duc du Maine, qu’une nature spirituelle et délicate rendait aussi propre aux manèges des cours qu’incapable d’affronter les périls des champs de bataille ou ceux des conspirations.