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resteront un embarras pour toutes les politiques. Dans toutes les questions qui s’agitent, dans tous les incidens qui se succèdent, on retrouverait de même une cause morale dominant et expliquant ces difficultés et ces troubles, qui, depuis quelque temps, laissent planer comme une ombre vague sur l’Europe. Au fond, quand on considère de près la situation générale aujourd’hui, quels sont les élémens essentiels qui apparaissent ? Il y a tout d’abord un premier fait sur le point de s’accomplir : c’est la réunion de la conférence au sein de laquelle vont se résoudre toutes les complications diplomatiques suscitées par l’exécution du traité de Paris, et autour de ce fait principal viennent se grouper quelques autres incidens, l’un relatif aux rapports de la Turquie avec le Monténégro et se rattachant encore aux affaires d’Orient, l’autre issu de la querelle survenue si étrangement entre le Piémont et Naples. Il est vrai qu’au-dessus de tout plane toujours une bien autre question, celle des rapports généraux entre les puissances européennes, dont les divergences et les rivalités sont un embarras de plus, et même le seul qui puisse donner une certaine gravité à la situation actuelle.

Le moment où la conférence va se réunir ne peut qu’être très prochain désormais. Tous les travaux préliminaires sont achevés. On n’attendait, à ce qu’il semble, que l’arrivée en France du représentant de la Turquie pour fixer le jour de la réunion, et ce représentant est maintenant à Paris. C’est à la diplomatie qu’appartient aujourd’hui la mission de trancher souverainement les questions demeurées pendantes à l’époque de la dernière paix, celles de l’organisation des principautés et de la navigation du Danube. On ne peut prévoir assurément les résolutions qui triompheront en ce qui touche l’organisation des principautés, il serait même difficile de préciser les dispositions des cabinets au moment de l’ouverture des conférences. Ces négociations nouvelles ont eu cependant pour prologue un assez curieux épisode, qui s’est produit dans le parlement anglais, et qui ne laisse point de jeter quelque jour sur les sentimens réels d’une partie de l’Angleterre. M. Gladstone a pris en effet l’initiative d’une motion entièrement favorable au principe de l’union des deux provinces du Danube, et, pour donner plus de force à sa motion, il n’a eu qu’à l’appuyer sur l’opinion exprimée, il y a deux ans, par lord Clarendon dans le congrès de Paris. Ce point de départ admis par M. Gladstone, l’Angleterre ne faisait évidemment que marcher dans une voie où elle s’était engagée. Malheureusement deux années sont un long espace, et les variations sont à l’usage de toutes les politiques. D’ailleurs lord Clarendon, ne faisant pas partie de la chambre des communes, n’a point eu l’embarras d’être mis en présence de son ancienne opinion. C’est lord Palmerston qui s’est chargé du rôle de contradicteur de M. Gladstone. Lord Palmerston, comme il le fait quelquefois, a répondu moins par des raisons sérieuses que par des assertions tranchantes, et, à vrai dire, fort contestables, se préoccupant très peu de savoir si son avis d’aujourd’hui s’accorde avec son avis d’autrefois. Quelle est cependant l’opinion du cabinet actuel ? On ne peut trop le dire, même après ce débat. Toujours est-il que la motion de M. Gladstone, appuyée par lord John Russell, eût peut-être triomphé, malgré le secours que le ministère a trouvé dans la parole de lord Palmerston, si, au dernier moment, M. Disraeli n’était venu déclarer à la