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mon père, et l’art musical est un plus vaste domaine que ne le laissent supposer les maigres programmes de la Société des Concerts. Il ne faut pas surtout tromper la bonne foi du public, et lui donner des œuvres remaniées par des compositeurs modernes sous des noms empruntés à l’histoire. Cela n’est pas digne d’une société d’artistes qui tient ses séances dans le local de la première institution musicale du pays.

La Société des jeunes artistes, sous la direction de l’intrépide M. Pasdeloup, a commencé de très bonne heure les concerts qu’elle donne, depuis six ans, dans la salle de M. Herz, où elle convie un public chaleureux et sympathique. À la première séance, qui a eu lieu le 20 décembre, on a exécuté une jolie symphonie de M. Gounod, qui, sans être une composition bien originale, révèle la main exercée d’un véritable musicien. Après un solo de violon exécuté par le jeune Sarsate, premier prix du Conservatoire et particulièrement élève de M. Alard, avec une justesse, une bravura et une contenance tout à fait remarquables pour un enfant de quinze ans, j’ai entendu pour la première fois l’ouverture de Struensée de Meyerbeer. Cette page remarquable de l’illustre compositeur perd quelque chose de sa couleur à être ainsi détachée du drame pour lequel elle a été conçue. Néanmoins on y sent vibrer dans plusieurs passages remarquables la pensée supérieure de l’auteur du Prophète. Les seconde et troisième séances ont été aussi fort intéressantes, et toujours suivies par un public qui se plaît à encourager une œuvre si méritante. Au quatrième concert, le 31 janvier, les jeunes artistes ont exécuté avec beaucoup de zèle une nouvelle symphonie de M. Gouvy, qui est un homme de talent, un chœur à huit parties de Meyerbeer, intitulé Adieux aux Fiancés, plein de vigueur, et des fragmens du Siège de Corinthe de Rossini ; l’ouverture, que je trouve un peu longue, l’hymne, qui rappelle l’introduction de Sémiramis, et la Bénédiction des drapeaux, d’un puissant effet. Le cinquième concert donné par la Société des jeunes artistes, le 14 février, a offert un intérêt tout particulier. M. Litolff s’y est fait entendre pour la première fois avec un succès qui, pour avoir été contesté par une fraction assez considérable des artistes et amateurs de Paris, n’en est pas moins éclatant et significatif. À la sixième et dernière séance donnée par la Société des jeunes artistes, on a applaudi une charmante petite symphonie de M. Rosenhain, l’un des musiciens les plus distingués qu’il y ait à Paris. Après un très bel air de Mitrane, opéra de Francesco Rossi, qui remonte à l’année 1686, et qui a été fort bien chanté par Mme  Falconi, l’ouverture des Nozze di Figaro, de Mozart, a terminé la fête. Certes M. Pasdeloup mérite la reconnaissance de tous les vrais amis de l’art pour le dévouement qu’il met à diriger de ses conseils cette jeune phalange de musiciens plus intrépides qu’avisés. Chaque année, il lui faut recommencer le même travail d’initiation pour les nouveaux élèves qui viennent remplacer ceux qui ont fini leurs études et qui se dispersent dans le monde : c’est ce qui nous permet d’excuser certains défauts dans l’exécution de la Société des jeunes artistes, dont l’existence doit être vivement encouragée.

MM. Alard et Franchomme continuent, de leur côté, à donner dans la salle de M. Pleyel leurs séances de musique de chambre, qui sont suivies par une portion assez nombreuse du public qui fréquente les concerts du Conservatoire. À la première séance qu’ils ont donnée, le 17 janvier, nous avons en-