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l’esprit d’initiative, et qu’il accuse de ne puiser trop souvent ses inspirations que dans la routine.

J’avoue que je n’ai pas lu sans un sentiment de regret cet ostracisme prononcé contre l’administration française, et surtout les sévères considérans de l’arrêt qui la condamne. Ce n’est pas, il est vrai, la première fois que l’administration est traitée de routinière. Comme elle est à peu près chargée de tout, on la rend nécessairement responsable de ce qui se fait et de ce qui ne se fait pas; comme il faut que, d’après notre système général, tous les citoyens, petits ou grands, aient recours à elle pour le règlement de leurs intérêts, c’est à elle, à elle seule qu’ils imputent les refus ou les retards qu’ils éprouvent. On ne lui pardonne rien; de toutes parts, on crie haro sur elle. Les solliciteurs éconduits, les rêveurs qui voient leurs plans enfouis sous la poussière des cartons, d’honnêtes contribuables qui ne se doutent souvent ni de l’illégalité ni de l’originalité exagérée de leurs demandes, beaucoup de gens, on le voit, sont très disposés à accabler l’administration sous les malédictions de leur génie méconnu ou de leur mauvaise humeur. Cela se conçoit; mais que cette accusation de routine se rencontre dans le rapport du président de la commission impériale, qu’elle émane d’un esprit généreux et éclairé, qu’elle sorte de la plume d’un prince, c’est ce qui est grave. Si l’on envisage sérieusement les choses, on doit reconnaître que, loin de manquer d’initiative, l’administration s’est toujours trouvée à la hauteur du rôle qui, à tort ou à raison, lui a été attribué. Ce rôle, à la fois périlleux et délicat, a consisté tantôt à réprimer les extravagances, tantôt à stimuler la tiédeur de l’opinion. A la suite des secousses politiques qui trop souvent ont remué notre pays, on a vu l’administration tenir ferme contre les rêves de l’utopie, contre les projets insensés, et préserver de l’influence contagieuse des révolutions les intérêts matériels et sociaux dont la garde lui est confiée. Alors elle a été intrépide dans sa résistance, et, si l’on veut, dans sa routine. Mais en même temps que l’on cite un progrès réel, une réforme salutaire à laquelle, par ses excellens procédés d’exécution et par les efforts intelligens de son nombreux personnel, elle n’ait pas coopéré! Dans plusieurs passages de son rapport, le prince Napoléon a signalé les modifications qu’il serait désirable d’introduire dans notre régime commercial, et il espère avec raison que les expositions universelles auront pour effet d’abaisser les barrières des douanes, qui entravent l’échange des produits entre les divers peuples. Eh bien! dans cette question si importante, qui touche à tant d’intérêts, l’histoire contemporaine n’atteste-t-elle pas que l’administration française s’est toujours montrée plus libérale que l’opinion? Aujourd’hui même, ses propositions en matière de tarifs