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du nouveau régime en Autriche, et cela non-seulement à cause de l’augmentation nécessaire des traitemens par suite de la cherté croissante de la vie civilisée, mais encore et surtout parce que ce mode d’administration conduit inévitablement à augmenter le nombre des affaires, à compliquer la manière de les traiter et à multiplier les fonctionnaires.

De nombreuses et pressantes raisons (ne fût-ce qu’au point de vue financier) doivent donc engager le gouvernement autrichien à entrer dans une voie nouvelle. Or il est un système moins coûteux, plus populaire et éminemment conforme à l’esprit national du pays. Ce n’est qu’en revenant à un self-government sagement organisé que l’Autriche pourra rétablir l’équilibre de son budget et se relever de ses embarras financiers et politiques. Les difficultés de ce changement de système ne sauraient être insurmontables, ni même très grandes, si le gouvernement veut bien se mettre à l’œuvre avec une ferme volonté et suivant des principes arrêtés d’avance. Il ne s’agit pour l’Autriche que de modifier d’après l’esprit du siècle les institutions administratives qui y ont subsisté jusqu’en 1850, tout en leur conservant leur caractère de self-government, et d’utiliser les élémens qui doivent s’y trouver en abondance.

C’est ici le champ de bataille des partis politiques en Autriche. Les partisans du ministère actuel tiennent pour la centralisation administrative, pour l’unité de gouvernement, même en ce qui regarde les intérêts locaux et provinciaux, tandis que les différens partis de l’opposition ont adopté comme mot d’ordre le self-government des communes et des provinces dans leurs affaires particulières et leur émancipation du régime bureaucratique. Heureusement pour l’Autriche, la lutte des partis se renferme dans ces limites et n’embrasse aucune des questions de premier ordre, telles que le principe monarchique et l’existence politique de l’état. A l’exception de quelques esprits ardens, tout le monde est d’accord pour conserver et respecter l’unité politique de l’empire et son gouvernement monarchique; ce ne serait qu’en se refusant obstinément aux pressantes sollicitations des hommes sages et modérés que le gouvernement pourrait donner de la force et de l’importance à des opinions jusqu’à ce jour isolées.

S’il nous était permis d’exprimer notre opinion sur une question aussi compliquée, nous dirions que non-seulement le parti ministériel nous semble, sans avoir égard à la situation, déjà très tendue, vouloir trop obtenir à la fois, mais que surtout il n’a été ni heureux ni habile dans le choix de ses moyens. Il y a des choses et des idées que l’homme d’état poursuit en silence sans les inscrire sur ses drapeaux. De longues années de paix et de repos seraient nécessaires