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trouvé des ressources proportionnées à ses besoins. La dette publique et les impôts jusqu’en 1848 pesaient donc presque uniquement sur les autres provinces : de là dans cette dernière partie de l’empire un esprit de mécontentement et d’opposition au système bureaucratique qui depuis l’année 1833 ne cessa de s’y prononcer de plus en plus. On se demandait en murmurant pourquoi les provinces de l’empire les plus civilisées, les mieux cultivées, celles qui à elles seules fournissaient les quatre cinquièmes des impôts généraux, restaient exclues de toute participation réelle aux affaires publiques. On avait, il est vrai, laissé subsister les anciennes formes constitutionnelles dans ces provinces, on continuait à convoquer annuellement les états provinciaux ; mais la bureaucratie avait su peu à peu leur enlever toute influence. Le droit de voter les impôts, que les assemblées provinciales avaient antérieurement exercé sans restriction aucune, avait été insensiblement réduit au droit de délibérer sur l’impôt foncier seul, et encore était-il continuellement entravé, contesté et circonscrit par le gouvernement.

Les historiens futurs de l’Autriche auront à dire un jour, et ce sera pour eux une tâche intéressante, comment se réveilla l’esprit public dans ces grandes et belles contrées ; ils auront à montrer comment, après les désastres des guerres napoléoniennes et le profond épuisement du pays qui en fut la suite, cet esprit public se développa peu à peu parmi les débris des anciennes institutions ou relations politiques, sous l’empire de circonstances totalement changées, sans jamais abandonner les voies légales, sans jamais avoir recours, comme cela se vit alors dans tant d’autres pays, aux conspirations ou à des moyens révolutionnaires. Peu à peu cet esprit pénétra dans les états des différentes provinces, ceux de la Bohême et de l’Autriche proprement dite en tête, et il s’y éleva un parti de réformateurs modérés et conservateurs qui, avec un tact politique des plus rares et une patience, une modération remarquables à travers tant de difficultés, poursuivirent pendant près de quinze ans avec un succès croissant, mais incomplet, le but qu’ils s’étaient proposé, — reconquérir peu à peu une participation raisonnable aux affaires publiques et le vote des impôts. Ils travaillèrent à cette œuvre, d’abord séparément, plus tard en commun, d’après un plan combiné entre leurs chefs. Les plus grands noms de l’empire, les existences sociales les plus brillantes prirent part à ce mouvement salutaire, et y portèrent une prudence, une dignité qui sont les traits distinctifs des aristocraties en politique ; le tiers-état et les classes intelligentes du pays les secondèrent. Les hommes les plus éminens, les plus hautes capacités du pays appartenaient et appartiennent encore, autant que les circonstances radicalement changées le per-