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était occupée de ses querelles intérieures ; elle laissa donc tomber Constantinople. Je crains que les Turcs en ce moment ne soient aussi raffinés politiques que l’étaient les Grecs du XVe siècle, et que cette extrême sagacité ne les trompe comme elle a trompé leurs devanciers byzantins. Oui, l’Europe ne veut donner l’empire du Bosphore à personne, parce qu’elle craint que le maître du Bosphore n’aspire à être celui de l’Europe. Quiconque étendra donc la main sur la Turquie, l’Europe, si elle a sa liberté d’action, tâchera de le réprimer. Mais cette jalousie de l’Europe fait-elle une force capable de soutenir l’empire ottoman ? N’avoir pas d’héritiers n’est pas une raison pour ne pas mourir. Si l’empire ottoman a de quoi se rajeunir et de quoi revivre, l’Europe assurément, moins quelques rêveurs chrétiens et libéraux parmi lesquels je sollicite une petite place, l’Europe assurément ne demanderas mieux que de laisser les Turcs occuper inutilement les plus beaux pays du monde et continuer à paralyser le Bosphore ; mais cela se peut-il ? La réforme peut-elle faire ce miracle ? l’a-t-elle seulement commencé depuis dix-sept ans ? M. Viquesnel n’hésite pas à dire que l’empire ottoman ne peut pas vivre, s’il ne se réforme pas. J’admets cette conclusion ; seulement, et d’après les renseignemens mêmes pris dans l’excellent ouvrage de M. Viquesnel, j’ajoute à cette conclusion ce terrible point d’interrogation : La réforme est-elle exécutée ? est-elle exécutable ?

Je m’aperçois, en finissant, que je n’ai pas suffisamment appelé l’attention du public sur l’ouvrage de M. Mathieu que j’ai souvent cité : la Turquie et ses différens peuples. Ce livre est le meilleur résumé que je connaisse de l’histoire de la Turquie et de sa situation actuelle ; il est clair, précis, exact, et M. Mathieu me paraît juger l’état des choses et l’avenir avec un grand bon sens. Il est un autre ouvrage encore auquel j’aurais voulu rendre justice, c’est une brochure en allemand, intitulée les Réformes en Turquie, que l’auteur, M. Stratimirovics, m’a adressée de Styrie. Cette brochure, écrite en 1856, prévoyait et prédisait d’avance tous les embarras que la Turquie a donnés depuis deux ans à la diplomatie européenne. J’ai eu enfin communication de documens et de réflexions manuscrites dont je voudrais remercier les auteurs, en leur montrant que j’ai profité de leur obligeance pour mon instruction. Je reviendrai plus tard sur ces divers ouvrages, à mesure que l’expérience sera venue démentir les espérances des théoriciens de la Turquie réformée.


SAINT-MARC GIRARDIN.