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ont amené effectivement entre la psychologie et la physiologie, depuis longtemps en lutte, un heureux rapprochement.

Pourquoi ce rapprochement est-il de fraîche date, et à l’heure où nous sommes encore peu connu ? La faute en est à tout le monde. Chacun a eu des torts qu’il est superflu de rappeler. Toutefois, si l’on reprochait trop sévèrement aux philosophes d’être de médiocres physiologistes, ils pourraient répondre à leur décharge qu’après le règne prolongé du matérialisme, ils avaient à remplir un devoir urgent, et qu’il s’agissait avant tout de rétablir l’âme dans ses droits et d’en remettre en honneur la science discréditée. Ce devoir a été accompli. Et ce qui prouve que c’était bien là, le plus pressé, c’est que les clartés vives sinon complètes, que la philosophie a répandues sur l’homme invisible ont dessillé les yeux des médecins chez qui ce n’était point un parti pris de n’affirmer que ce qui se dissèque, et que depuis lors on s’est trouvé dans la situation de deux bons voisins disposés à s’entendre, si quelque œuvre se présentait à entreprendre en commun.

Cette œuvre était d’avance indiquée : c’était la solution des problèmes que chacune des deux sciences réduite à elle-même est impuissante à résoudre. Comment en effet, sans la double connaissance de l’âme et du corps, traiter avec quelque succès par exemple la question si intéressante et si compliquée de la folie ? C’est donc sur ce terrain que les philosophes partis du for intérieur de l’âme et les physiologistes partis des régions du cerveau se sont rencontrés. Là, au lieu de se livrer, comme en d’autres temps, une guerre inutile, ou de se tourner le dos avec dédain, on tâche aujourd’hui de mettre en commun efforts et lumières. On a même formé une société où des philosophes et des médecins, apportent, pour les discuter, les résultats de ; leurs observations[1]. Ces débats, régulièrement publiés, composent avec d’autres fragmens un important recueil[2]. En outre, des physiologistes, éminens agitent de grands problèmes d’anthropologie dans des ouvrages sérieux, où ils n’hésitent pas, à se déclarer hautement spiritualistes, et où ils s’honorent d’avoir pour maîtres les chefs de la philosophie, française. C’est donc un fait que, depuis quelques années, un rapprochement s’est opéré entre la science du corps et la science de l’esprit.

Quels fruits ce commencement d’alliance a-t-il produits jusqu’ici ? La connaissance de l’homme y a-t-elle gagné ? Le spiritualisme s’en est-il bien trouvé ? Je crois pour ma part que cet accord a été fort utile. Pour le prouver, il suffit de passer en revue les ouvrages publiés depuis Maine de Biran jusqu’à ces dernières années sur une

  1. La Société médico-psychologique.
  2. Les Annales médico-psychologiques.