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d’une Hébé très développée de Géorgie. La ressemblance de la petite Zéthé avec sa Nafizé n’existait donc pas pour lui, et il continuait à regarder la pauvre petite comme la bête de proie qui lui avait arraché sa blanche brebis. C’était plus commode que de rechercher les causes cachées de cette mort soudaine.

Exilée de la présence paternelle, l’enfant délaissée ne manquait pas cependant de soins affectueux. Maléka se sentait engagée par la recommandation de la mourante, comme elle l’eût été par une promesse, à la remplacer auprès de Zéthé ; mais elle s’aperçut bientôt qu’elle avait été devancée auprès de la petite fille par Zobeïdeh elle-même. J’ai dit ailleurs que la Circassienne exerçait un singulier prestige sur les enfans, qui la craignaient et qui l’aimaient en même temps avec passion. Sans être envers eux ni indulgente, ni d’humeur égale, Zobeïdeh avait pour les enfans qui ne lui appartenaient pas un amour plus capricieux peut-être, mais aussi plus vif, plus démonstratif, et je dirais volontiers plus tendre que pour les siens mêmes. C’est ainsi qu’elle aimait les enfans de Maléka, et c’est ainsi, mais avec encore plus d’élan, qu’elle aima la petite fille de Nafizé. La mère mourante ne lui avait pas adressé d’appel ; bien plus, elle n’avait permis qu’à Maléka de toucher à sa fille, et, Zobeïdeh s’en étant approchée un instant, elle avait poussé un cri d’effroi, de détresse si expressif, que celle-ci s’était arrêtée tout court. Trouvait-elle maintenant une étrange satisfaction à braver ces terreurs, cette interdiction que la tombe avait rendues muettes ? Cédait-elle vis-à-vis de la fille de Nafizé à l’attrait de cette rare beauté qu’elle n’avait pu que détester dans la mère ? ou bien enfin était-elle heureuse de reconnaître dans son cœur un sentiment de générosité et de justice, et éprouvait-elle un certain soulagement à rendre à l’enfant les soins et l’amour maternels qu’elle lui avait enlevés ? Quoi qu’il en soit, la petite Zéthé trouva dans Zobeïdeh une affection profonde et sincère, que son jeune cœur ne tarda pas à payer de retour.

Revenons à Osman, qui, en quête de distractions mondaines, s’était empressé de rendre visite au pacha son protecteur. Un mécompte l’attendait chez le haut personnage. Pendant qu’il s’oubliait dans la vie domestique, un jeune homme d’une figure agréable, prétendant à la double dignité de favori et de secrétaire émérite du pacha, s’était insinué dans les bonnes grâces du maître. Celui-ci, éclairé par les observations de son nouveau confident, n’avait pas tardé à remarquer qu’il était difficile d’espérer un concours actif d’un serviteur tel qu’Osman, dont le harem, ravagé par des causes mystérieuses, absorbait la sollicitude. Quand le bey sortit de ses manteaux de deuil, et qu’il reparut chez son patron, celui-ci trouvait le