cruelles souffrances physiques, tandis qu’à l’éclair triomphant qui jaillissait parfois de sa prunelle, on eût dit qu’elle entrevoyait dans un avenir prochain un bonheur longtemps désiré, une victoire complète, une joie infinie. Le moment attendu avec impatience par toute la population du harem arriva enfin. Nafizé, dont les fantaisies pendant sa grossesse avaient été souvent des plus déraisonnables, fut prise par les douleurs de l’enfantement, qu’elle supporta sans patience ni courage. Osman, troublé par le douloureux spectacle des souffrances de sa bien-aimée, avait complètement perdu la tête. Le fait est que Nafizé était fort mal, et qu’un chirurgien lui eût été d’un grand secours. Maléka l’insinua timidement, et peut-être que, troublé comme il l’était, Osman eût consenti à suivre ce conseil ; mais Zobeïdeh répéta le mot chirurgien avec un accent d’horreur qui fit rentrer Osman en lui-même. Le bey, strict observateur du décorum, sentit confusément qu’il avait été sur le point de commettre un acte des plus répréhensibles. Se bornant à secouer la tête en regardant Maléka, il demeura en contemplation devant Nafizé, et ne fit appeler personne. Nafizé fut donc livrée aux soins de la plus vieille parmi les esclaves grecques appartenant à Osman-Bey, et qui, jouissant d’un grand renom de science et d’habileté, remplissait d’ordinaire dans la famille l’office de médecin, de chirurgien, de garde-malade et même d’apothicaire. C’était précisément la femme qui avait aidé Zobeïdeh dans son premier crime, et qui depuis lui avait fourni les livres, drogues et graines dont elle avait eu besoin pour ses travaux. Zobeïdeh ne lui avait fait aucune nouvelle confidence ; mais une confidence était-elle nécessaire en pareil cas ? À peine l’esclave eut-elle été appelée auprès de Nafizé, qu’elle lança un rayon de son œil gris et couvert sur Zobeïdeh ; celle-ci ne fit qu’un léger mouvement de tête, et tout fut dit.
J’abrégerai de pénibles détails. À peine délivrée, la Géorgienne tomba évanouie, et, en la voyant ainsi pâle et sans mouvement, on eût pu la croire, morte ; mais elle ne l’était pas encore, puisque la vieille esclave ne la quittait pas. Elle s’appliquait sans doute à la rappeler à la vie, et elle y réussit, ou plutôt ce fut la violence des douleurs qui ne lui accorda pas le répit d’un long évanouissement. L’enfant était né, mais la mère se mourait. L’esclave lui fit boire quelques gouttes de café, l’élixir de vie des Orientaux. Dès qu’elle les eut avalées, elle demanda de la glace, et malgré les remontrances de tous ceux qui l’entouraient, peut-être même à cause de ces remontrances, elle insista avec une si irrésistible énergie, qu’Osman prit le parti de la satisfaire. Ce fut Zobeïdeh qui présenta la boisson glacée à la malade, en la suppliant toutefois de ne pas y toucher. Avec sa docilité accoutumée, Nafizé haussa les épaules, arracha la tasse