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ils ne sont assujettis à aucune autre obligation que de défendre le passage du fleuve. Ils ont droit exclusif de pêche dans l’Irtisch et dans les cours d’eau qui y aboutissent, avec droit de chasse dans les montagnes. Ils cultivent du froment et du seigle, et récoltent dans leurs jardins des légumes de toute sorte, des concombres et des melons ; ils ont des ruches en grand nombre et sont autorisés à faire le commerce avec les Kirghiz. Aussi vivent-ils dans la plus grande aisance, et quelques-uns d’entre eux possèdent jusqu’à cinq cents chevaux. De temps en temps, un colonel visite les stations pour s’assurer que l’ordre y règne, et que les Cosaques tiennent leurs armes en bon état.

On comprend aisément quelle fascination le sort heureux du Cosaque comfortablement établi dans une maison propre et bien tenue, entouré de jouissances inconnues au nomade, doit exercer sur les Kirghiz et les Changariens que la Russie a rejetés dans le steppe. L’indépendance devient d’ailleurs chaque jour plus difficile à ce peuple, maintenant qu’il se trouve enclavé entre l’Irtisch et la ligne des postes russes nouvellement établis sur le lac Balkash et sur l’Ili. Aussi peut-on les considérer désormais comme des sujets de la Russie. Déjà l’appât d’un faible salaire suffit pour en attirer un certain nombre dans les mines de l’Altaï, où ils viennent travailler l’été, et qu’ils quittent au mois d’octobre pour retourner chez eux. Ils sont contraints de se former en caravanes pour se défendre contre leurs compatriotes, qui guettent leur retour afin de les attaquer en chemin et de les dépouiller. M. Atkinson a fait plusieurs excursions dans le steppe, accompagné de deux ou trois Cosaques de la frontière, dont la présence était pour lui une protection suffisante, et dont les moindres injonctions étaient exécutées avec empressement.

Le dernier poste russe sur l’Irtisch est le fort Narym, gardé par des Cosaques et bâti au confluent de la Narym et de l’Irtisch, à sept ou huit verstes de Zirianovsky. La Narym et les monts Kourt-Chume, d’où elle descend, servent de limites aux possessions russes : au-delà s’étendent à l’orient les plaines de la Mongolie chinoise. M. Atkinson a parcouru une grande partie de la Mongolie, depuis la Narym jusqu’à l’entrée du pays des Khalkas, où aucun autre Européen n’a encore pénétré. Le récit de ses aventures dans cette contrée forme même la portion la plus agréable de son livre. Nous n’y ferons cependant presque aucun emprunt. Les relations du père Huc et des autres voyageurs qui ont traversé la Tartarie ont suffisamment fait connaître la vie des nomades et les mœurs de la tente. Les Mongols mènent la même existence que les autres peuples pasteurs de l’Asie centrale : ils en ont les vertus et les vices, l’hospitalité et la mauvaise foi. Ils accueillent un hôte cordialement, et le lendemain se mettent à sa poursuite pour le dépouiller. Seulement,