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deviennent plus rapides, le lit s’en rétrécit, et au lieu de couler au fond de larges vallées, elles sont le plus souvent encaissées entre deux lignes de rochers. Enfin les forêts de peupliers, de bouleaux et de mélèzes, font place à la sombre verdure des pins noirs. À l’entrée de cette région, et presque encore dans la plaine, se trouvent Sousounkoï, où l’on traite le minerai de cuivre, et où on le transforme immédiatement en monnaie pour l’usage de la Sibérie, — la grande usine de Pavlovsky, où l’on affine l’argent, et enfin la ville de Barnaoul, siège de l’administration des mines. Barnaoul est une ville de dix mille âmes, avec une garnison de huit cents hommes environ. Elle est agréablement située sur la petite rivière Barnaulka, qui va se jeter dans l’Obi. Il y a une trentaine d’années, elle ne comptait encore que des maisons de bois : aujourd’hui les rues de Barnaoul sont larges, bien bâties, tirées au cordeau et percées à angle droit. Elle possède trois églises et un hôpital spacieux, bien aéré et bien organisé, où sont reçus tous les ouvriers malades, mais où leurs femmes et leurs enfants ne sont point admis. Le conseil des mines siège à Barnaoul : le gouverneur de Tomsk en a la présidence ; aussi ce fonctionnaire est-il invariablement choisi dans le corps des ingénieurs. Il est astreint à visiter au moins une fois en deux ans toutes les mines et toutes les usines de l’Altaï. Il passe huit mois de l’année à Tomsk à expédier les affaires de son gouvernement, et quatre mois à Barnaoul, où il doit se trouver nécessairement au mois de mai, époque où le conseil des mines tient séance tous les jours pour arrêter les plans de la campagne. Toute proposition doit être portée au conseil, mais elle doit être approuvée ensuite par le gouverneur. Le natckalnik ou directeur en chef des mines réside aussi à Barnaoul : il est responsable de l’exploitation des mines, et sa juridiction s’étend sur tous les fonctionnaires. Il est tenu de visiter une fois par an tous les établissemens de la couronne : hauts fourneaux, forges, usines, mines d’or ou mines d’argent, ce qui l’oblige à parcourir chaque année six mille verstes dans les montagnes, tantôt en voiture, tantôt à cheval, tantôt en bateau, quelquefois sur de simples radeaux abandonnés au cours des rivières. Son autorité est immense : il n’est point dans tout l’Altaï de fonctionnaire ou de paysan qui ne soit soumis à ses ordres. Or le personnel des mines, dans le district qui lui est confié, ne comprend pas moins de 64,000 âmes, dispersées dans la plaine et dans les montagnes. M. Atkinson rend à l’administration minière de l’Altaï, telle qu’il a pu la voir fonctionner, un témoignage qui est le plus précieux des éloges : après avoir parcouru la Sibérie orientale et occidentale et une partie de la Russie, le voyageur déclare que les mineurs de l’Altaï forment la population la plus aisée, la plus propre et la plus comfortable de l’empire.