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Tchan sur une étendue d’au moins soixante lieues, et se jette dans le Balkhash. Les Russes ont porté jusqu’à ce lac les frontières de la Sibérie méridionale : ils ont créé sur ses bords un port et une place de guerre où stationne toujours un nombreux corps de troupes, et ils ont établi une ligne de postes militaires le long de l’Ili. Une flottille à vapeur sillonne sans cesse le lac et le fleuve, afin d’établir entre tous les forts des communications régulières. La population de ce beau pays ne s’est point soumise sans résistance à la domination moscovite ; mais elle a dû plier devant la supériorité des armes européennes. Aujourd’hui, sous la direction intelligente d’officiers russes, elle se livre à l’agriculture et à l’industrie. C’est ainsi qu’à l’entrée du steppe s’est formée une oasis verdoyante qui est un objet d’ardente convoitise pour tous les nomades dont elle est entourée ; mais ceux-ci sont eux-mêmes menacés dans leur indépendance. La Russie ne se borne point à défendre sa création : les Mongols, enfermés entre la chaîne des postes de l’Ili et les lignes de Cosaques qui gardent le cours de l’Irtisch, ne sauraient se soustraire longtemps à son joug. Ceci nous ramène naturellement à la Sibérie.


III

Après avoir dessiné les sites les plus pittoresques de l’Oural, M. Atkinson pensa à visiter les monts Altaï, dont les cimes gigantesques, les neiges éternelles et les glaciers promettaient de fournir ample matière à ses crayons. La distance était de cinq cents lieues ; il fallait traverser dans toute leur largeur les gouvernemens de Tobolsk et de Tomsk. M. Atkinson accomplit ce voyage en été, et comme tous les Européens qui ont parcouru la Sibérie dans cette saison, il fut frappé de la beauté du pays et de la fécondité du sol. Il avait quitté une des stations de l’Oural, et il suivait à la pointe du jour un plateau assez élevé au pied duquel coulait l’Issetz, dont une ligne de brume blanche indiquait les détours au fond de la vallée : le soleil apparut tout à coup dans sa splendeur, se dégageant des vapeurs du matin avec les mêmes effets de lumière que lorsqu’il sort des eaux de l’Océan. Le voyageur n’avait devant lui à l’orient qu’une plaine sans limites : cette plaine était la Sibérie. Bientôt après il aperçut, à une distance considérable, les dômes et les tours du grand monastère de Saint-Dolomète, qui rappelle le Kremlin par le style et la grandeur de ses constructions, et dont l’église est un des plus beaux modèles de l’architecture gréco-russe. La brise était fraîche et vivifiante, le soleil resplendissait et répandait un charme irrésistible sur toute la nature. Au fond des vallées les paysans étaient occupés à faire les foins, et leurs chants joyeux arrivaient