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asiatiques modifient insensiblement, au contact des Cosaques, leurs idées et leur genre de vie, et, par la communauté des mœurs, arrivent bientôt à la communauté de l’obéissance.

Ce merveilleux travail d’assimilation est aujourd’hui complètement terminé pour les Kirghiz de la Petite-Horde, qu’ils habitent à l’est ou à l’ouest de l’Oural : il se poursuit activement au sein des Kirghiz de la Horde-Moyenne et de la Grande-Horde. Par l’influence qu’elle acquiert sur ces peuples, la Russie se rend peu à peu maîtresse du double bassin de la Mer-Caspienne et de la mer d’Aral, et se met en mesure d’inquiéter à son gré ou la Chine ou la Perse. Voyons d’abord quels moyens d’action elle s’est assurés contre la Perse dans le cours des quinze dernières années. Les intérêts du commerce lui ont servi à couvrir ses projets d’agrandissement. La Mer-Caspienne était infestée de pirates musulmans qui en rendaient la navigation impossible. La Russie s’est chargée d’exterminer ces pirates, et d’assurer liberté et protection aux marchands de la Perse comme aux siens propres, à la condition que la Perse renoncerait à avoir une marine. La piraterie détruite, la Russie continua de faire construire des navires de guerre et de nombreux transports sur ces eaux où ne flotte aucun autre pavillon que le sien. Bientôt après, on vit des ingénieurs et des troupes russes débarquer à Ashounhadeh, à l’extrémité méridionale de la Mer-Caspienne, et y établir en face de la forteresse persane d’Asterabad un grand port militaire et commerçant. Asterabad, qui commande le célèbre défilé des Portes-Caspiennes, est la clé de la Perse du côté du Turkestan. La Russie en a plusieurs fois négocié la cession, et à chacun de ses démêlés avec la cour de Téhéran elle menace de l’occuper comme gage de ses réclamations. Le jour où elle sera entrée de gré ou de force dans Asterabad, il n’y aura plus d’indépendance possible pour la Perse. Pendant qu’un des lieutenans du tsar descendrait des provinces caucasiennes avec une armée, un autre pénétrerait par Asterabad au cœur même de la monarchie persane, qui se trouverait envahie de deux côtés à la fois. Trois semaines suffiraient en effet pour qu’une armée russe, rassemblée à Moscou ou à Kazan, descendît le Volga jusqu’à Astrakhan, fût mise à bord de la flotte et débarquée de l’autre côté de la Caspienne, à Ashounhadeh. C’est également par cette route que la Russie pourrait envoyer une armée au secours de la Perse, si jamais elle croyait devoir soutenir cette puissance dans une guerre contre les Anglais. Les troupes russes, après avoir franchi les Portes-Caspiennes, n’auraient qu’à remonter l’Herirood à travers un pays fertile pour arriver sous les murs d’Hérat, à mi-chemin de l’Indus.

Mais, quittons la frontière persane et transportons-nous au bord