Page:Revue des Deux Mondes - 1858 - tome 14.djvu/849

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

usines, ses églises, ses constructions de toute sorte, a toutes les apparences d’une ville considérable. On y trouve des hauts fourneaux, des forges à la main et au martinet, des laminoirs. Le minerai y subit sans déplacement toutes les opérations qui doivent le transformer en fonte, en fer ou en tôle, et ne sort de l’usine que prêt à être livré au commerce. Les tôles de Verkne-Issetzskoï jouissent d’une réputation sans égale : elles servent à couvrir les maisons, à faire des tuyaux de poêle ou des ustensiles de ménage. Le métal est d’une qualité si parfaite, qu’on le lamine aussi mince que du papier à lettre, sans qu’on puisse y découvrir une fêlure ou une tache, et sans qu’il perde de son poli et de sa belle couleur d’un noir de jais. La plus grande partie de ces tôles est exportée aux États-Unis, où elles sont fort recherchées. Les Jakovlif ne prennent pas moins de souci que les Demidof de leurs vassaux : tous les bâtimens sont construits avec soin et bien entretenus ; l’ordre et la propreté règnent dans les rues, et une habitation saine et commode est assignée à chaque famille.

Le centre des propriétés des Strogonof est à Cynovskoï, sur la Tchoussovaia. On y fabrique des fils de fer de toute grosseur qui sont extrêmement recherchés à la foire de Nijni-Novgorod à cause de leur excellente qualité. Les Salemerskoï possèdent à Syssertskoï un établissement qui a toute l’importance d’une ville. L’église, les hôpitaux, les magasins offrent un aspect imposant ; les rues sont régulières, les habitations élégantes. Tout y respire l’aisance et le bien-être, tout y atteste la présence d’un maître vigilant. Un des membres de la famille a en effet établi sa résidence à Syssertskoï.


« M. Salemerskoï, dit M. Atkinson, est sans contredit un homme de goût, et possède des œuvres d’art d’une réelle valeur. Il est aussi bon musicien qu’horticulteur habile ; ses jardins et ses serres sont organisés sur la plus grande échelle. Il a une vaste orangerie, remplie d’orangers et de citronniers, dont les uns sont chargés de fruits, dont les autres sont en pleine floraison et répandent un parfum délicieux. Il a aussi une immense serre où les cerises, les raisins et les pêches réussissent à perfection. C’était plaisir de voir tous ces arbres en fleurs ; je me croyais revenu aux jours de mon enfance, à une époque irrévocablement enfuie. Ces arbres ne sont cultivés qu’en serre, ils ne pourraient supporter la rigueur du climat. M. Salemerskoï a des fleurs et des plantes tropicales d’une admirable beauté ; elles sont réparties entre différentes serres, suivant la température dont elles ont besoin. Il y avait dans une de ces serres plus de deux cents espèces de calcéolaires, presque toutes en fleurs : je n’ai jamais vu rien de plus splendide, tant les couleurs étaient vives et franches, tant les nuances étaient variées, depuis le rouge pourpre, l’écarlate, le cramoisi et l’orange jusqu’au jaune pâle, et le vert tendre des feuilles s’y mariait avec un effet enchanteur. M. Salemerskoï s’occupe également d’élever des chevaux anglais, et il en possède plusieurs d’une grande beauté. »