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Moscou ou Saint-Pétersbourg, suivant la destination de leur chargement. Ils transportent du suif, de la stéarine, des pelleteries, des malachites, des porphyres, des marbres, et surtout de la fonte, du fer en barres et du fer travaillé, des ancres et des chaînes de navire, des canons et des projectiles de guerre.

Toute cette région n’est en effet qu’une immense usine. Nulle part la nature n’a réuni par masses aussi considérables des richesses minérales aussi variées. L’Oural est plutôt un plateau très élevé, entrecoupé de vallées, qu’une chaîne de montagnes ; à l’exception de quelques pics isolés et situés du côté de l’Asie, tels que le Blagodat, le Katchkanar, le Sugomac, il compte peu de cimes d’une grande hauteur, et le Pavdinski arrive presque seul à la région des neiges éternelles. Toutes les crêtes se terminent par des rochers, ou plutôt des débris de rochers, entassés les uns sur les autres de façon à faire croire qu’une montagne plus haute s’est écroulée et a disparu sous l’effort du temps. Il semble qu’à une époque antéhistorique une mer immense ait roulé ses eaux sur toute la chaîne de l’Oural et donné à ses cimes les plus hautes l’aspect de falaises longtemps battues par les vagues. Qu’il faille y voir l’effet d’une révolution géologique ou le résultat de l’action incessante des pluies et des tempêtes, toutes les montagnes sont complètement dénudées au sommet, et le roc est mis à vif. Ce roc n’est autre chose que du minerai de fer, soit à l’état simple, soit à l’état magnétique. Partout d’ailleurs le minerai de fer et le minerai de cuivre se présentent en quantités inépuisables et affleurent la terre : le platine se rencontre dans toutes les hautes vallées à l’état presque pur, et souvent par lingots assez considérables. Un grand nombre de cours d’eau charrient de l’or, et le fond des vallées en recèle de riches dépôts. Sans parler des pierres précieuses, que l’on recueille fréquemment, le malachite est tellement abondant, que dans une des mines des Demidof on a pu en extraire un bloc d’une entière pureté qui avait dix-huit pieds de long sur neuf de large, et ne pesait pas moins de cinq mille quintaux. Le porphyre, le jaspe et le marbre se trouvent à chaque pas dans les vallées inférieures. Les forêts qui couvrent toute la surface du pays, et que l’on commence à peine à aménager dans les districts les plus peuplés, offrent partout le combustible en abondance : quant à la puissance mécanique, elle s’obtient économiquement par un procédé qui prouve le peu de valeur du sol. A-t-on besoin d’une force motrice, on barre par une digue le cours d’un ruisseau ou d’une rivière ; on change le fond d’une vallée en un lac artificiel, et l’on se procure à ce prix une chute d’eau en rapport avec les exigences de l’usine.

La Russie a su mettre à profit ces richesses de toute sorte ; l’honneur