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offre les élémens d’une grande prospérité commerciale. Le Brésil ne veut pas contraindre le Paraguay à ouvrir à tous les pavillons les ports qu’il possède sur la rivière : il sait bien que le Paraguay a le droit incontestable de les ouvrir ou de les fermer, et que l’intérêt de la république doit être la seule règle de conduite du dictateur Lopez. Cependant le simple transit des navires est un droit qui appartient au Brésil, et par sa situation comme état riverain, et par les traités qu’il a stipulés avec le Paraguay. L’exercice de ce droit ne peut donc être entravé ni restreint par des règlemens qui émanent du Paraguay tout seul.

Pour donner une idée complète de la politique extérieure du Brésil, il faut encore parler de ses relations avec les grandes puissances européennes. Le gouvernement brésilien s’est toujours efforcé de prouver à la France son estime et son désir ardent de rendre de plus en plus intimes et cordiales ses relations avec elle. Si les deux états n’ont pu s’entendre encore sur les limites de la Guyane, le Brésil en 1855 a satisfait à la demande que lui adressait la France de permettre que les autorités de cette colonie pussent s’approvisionner de bétail dans d’autres ports que celui de Chaves, le seul de la province du Para qui leur eût été ouvert en 1852. Le gouvernement brésilien a immédiatement ouvert le port de Soure sur la rivière Sgaporé, et a ordonné d’en ouvrir un autre sur la rivière Avari.

Les rapports entre le Brésil et la Grande-Bretagne tendent à se resserrer, quoique le cabinet de Saint-James ne se soit pas encore décidé à faire rappeler le bill de lord Aberdeen sur la traite des esclaves au Brésil. Ce bill cependant n’est pas mis à exécution et ne peut pas l’être : ce ne sont pas seulement les hommes d’état du Brésil qui repoussent la traite, ce sont toutes les classes de la population. Et il ne faut pas se tromper sur la cause de cette modification dans les idées : elle n’est pas due au gouvernement britannique. Tant que les croiseurs anglais poursuivaient la traite sur les mers du Brésil, elle prit de jour en jour plus de développement ; les actes qu’ils pratiquaient sous prétexte de la réprimer blessaient souvent les intérêts honnêtes et légitimes des citoyens brésiliens, et soulevaient la juste indignation du pays contre l’Angleterre. Les négriers en profitaient pour capter la sympathie des habitans, en leur faisant croire que cette puissance n’était mue que par un sentiment d’égoïsme, qu’elle voulait diminuer la production et la richesse du Brésil au profit de la production de ses colonies, qui possèdent une industrie similaire. Enfin, lorsqu’en 1850 le gouvernement impérial fit un appel franc et loyal au pays, qu’il l’éclaira sur ses véritables intérêts dans le présent et dans l’avenir, la société brésilienne le comprit et lui prêta un appui qui devient chaque jour plus sûr et plus