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quoiqu’elle se soit divisée pour former deux états indépendans, celui de la confédération, dont le général Urquiza est devenu le chef, et la république de Buenos-Ayres, qui se gouverne par elle-même, doit rendre grâces à Dieu que la politique du Brésil ait triomphé, car la chute de Rosas lui a donné la liberté, la vie et le progrès, biens précieux qu’elle n’avait jamais connus jusque-là.

Quels ont été les résultats de cette intervention pour le Brésil même ? Après la guerre, il s’est montré généreux en faisant retirer ses troupes ; il a réglé les questions de limites avec l’État-Oriental en lui faisant des concessions ; il a signé des traités de commerce et de navigation, également avantageux pour toutes les parties contractantes, avec Montevideo, le Paraguay et le général Urquiza ; il a prêté de l’argent au gouvernement de Montevideo pour l’aider à combler le déficit que la guerre avait amené dans les finances de la république. En revanche, il a vu son commerce avec la Plata augmenter de près de 300 pour 100 depuis 1852[1], et en rétablissant la tranquillité dans l’Ëtat-Oriental il a assuré la sécurité des sujets brésiliens qui y résident, en même temps que la sécurité des frontières de l’empire.

Malheureusement l’État-Oriental n’avait pas appris pendant la guerre à connaître le prix de la paix. La conséquence inévitable de la dissolution des grands partis politiques fut l’apparition sur la scène de factions dont la fureur était plus intolérable que les luttes et les haines des partis. Aucun gouvernement ne pouvait se maintenir. Le Brésil fit tout ce qu’il put pour établir à Montevideo un gouvernement solide et durable, et pour inspirer aux habitans des idées d’ordre. Il répondit favorablement en 1854 à une nouvelle demande d’intervention armée et à celle d’un subside mensuel de 300,000 francs pendant un an. Cinq mille soldats brésiliens occupèrent encore la ville de Montevideo[2], mais ce n’était que pour soutenir et pour aider le gouvernement existant contre les factions

  1. Le commerce avec la Plata depuis 1852 s’est développé dans des proportions étonnantes ; il dépasse aujourd’hui la somme de 20,000,000 de francs.
  2. La circulaire envoyée par le gouvernement brésilien à la diplomatie étrangère, du 19 janvier 1854, explique très bien cette seconde intervention. On y dit : « Dans cet état des choses, qui compromet visiblement l’existence nationale de la république de Montevideo et annule tous les élémens de sa vie politique et sociale, l’intervention du Brésil a été réclamée d’abord par la présidence de M. Giro, ensuite par le gouvernement provisoire, et a été demandée par tous les habitans pacifiques sans distinction de partis. Elle se fonde sur le texte des traités de 1851, dont le gouvernement brésilien désire l’entière exécution. Elle n’a d’autre but que d’assurer l’existence de l’état, l’exercice des droits de tous ses habitans, la paix et l’ordre, et l’établissement d’un gouvernement régulier. »