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Le Brésil a voulu d’abord ouvrir la navigation aux riverains, et ce qu’il a voulu, il l’a fait. Déjà l’étendue sillonnée par des bateaux à vapeur brésiliens représente à peu près cinq cents lieues sur le sol de l’empire, et quatre-vingts sur le sol péruvien, de sorte que, lorsque viendra le moment d’ouvrir à tous les pavillons du monde la navigation des Amazones, les règlemens de police et de commerce se trouveront établis. L’empire et les républiques voisines n’auront rien à redouter de cette liberté de navigation, qui au contraire sera tout à leur avantage. Le Brésil ne veut pas pour l’Amazone la prospérité fugitive des pays aurifères ; il sait bien que les établissemens qui s’y forment ne sont pas permanens. Il n’y a que les établissemens agricoles qui, fixes par leur nature et leur destination, développent les instincts domestiques et patriotiques ; c’est sur l’agriculture, l’industrie et le commerce que le Brésil désire fonder la prospérité de la vallée des Amazones, et il parviendra à lui assurer un brillant avenir, s’il continue à marcher avec fermeté dans la voie qu’il a suivie jusqu’ici.

Ce n’est pas seulement la conduite tenue par le Brésil qu’on juge sévèrement en Europe ; ses rapports avec les petites républiques de la Plata sont l’objet de graves soupçons.

Le Brésil est limité au sud et à l’ouest par la Bolivie, le Paraguay, la Confédération-Argentine et l’état oriental de Montevideo. Ces pays formaient l’ancienne vice-royauté de Buenos-Ayres et une partie de la vice-royauté du Pérou, lesquelles se sont divisées en quatre républiques. L’État-Oriental, touchant à l’empire par Castilhos, à l’Océan, et à l’embouchure de la rivière de Quaraim, qui se jette dans l’Uruguay, doit surtout préoccuper les esprits, de préférence aux autres républiques. Plusieurs familles brésiliennes se sont établies dans la partie supérieure de l’État-Oriental, et y possèdent d’immenses propriétés, qu’on appelle estancias, où l’on élève les bœufs et où l’on prépare la viande sèche et les cuirs, dont le commerce est très actif. Une zone de plus de cent lieues peut-être de l’État-Oriental est ainsi possédée par des sujets brésiliens. ON comprend l’intérêt que doit avoir le Brésil à ce que l’État-Oriental jouisse des bienfaits de la paix et de l’ordre public, non-seulement à cause des propriétaires brésiliens résidens, dont les agitations du pays compromettent la sécurité, mais encore parce que ces luttes civiles ont une action fâcheuse sur ses frontières de la province de Rio-Grande, et y produisent un certain mouvement anarchique qui a déjà amené de bien tristes résultats. Quand l’État-Oriental est en proie à la guerre civile, l’empire est obligé de concentrer sur les frontières une partie de son armée pour prévenir les dangers d’une invasion et les brigandages qui malheureusement se commettent