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avec ces états, qui en possèdent les rives supérieures et les affluens. Ce qu’il a demandé pour la Plata, il l’a également offert pour l’Amazone aux autres gouvernemens, dont quelques-uns sont parfaitement d’accord avec lui et ont déjà signé des conventions.

Mais pourquoi le Brésil n’ouvre-t-il pas l’Amazone à la navigation du monde entier ? Telle est la question à laquelle il faut répondre.

Le Brésil n’a dit à aucune nation qu’il lui refusait le droit de navigation sur l’Amazone ; ce qu’il a établi, c’est qu’étant le maître de refuser ou d’accorder ce droit aux nations qui ne sont pas riveraines, il l’accorderait quand il jugerait le moment convenable. Il y a là une différence immense. Veut-on avoir la navigation de l’Amazone, qu’on s’entende avec le Brésil : lorsqu’il aura pris ses sûretés pour ses rives et ses ports, il sera le premier à ouvrir ce grand fleuve au commerce du monde, car l’intérêt du Brésil est de donner la vie à cinq cents lieues de rives qu’il possède sur l’Amazone, et à plus de six cents qu’il possède sur des affluens presque aussi importans. Ce que le Brésil a toujours voulu, c’est qu’on reconnaisse son droit : il peut s’en désister, en tout ou en partie, par des traités et des conventions ; mais on ne peut le forcer à l’abandonner. Les états riverains supérieurs, le Pérou surtout, l’Equateur, Venezuela et la Bolivie, ont le même droit que le Brésil sur les rives dont ils sont en possession. Et ce qui a lieu de nous étonner, c’est que l’opinion publique, qu’on veut à présent exciter contre le Brésil à cause de l’Amazone, ne s’était pas émue contre l’Angleterre quand elle a refusé la navigation du Saint-Laurent ; ce fleuve cependant lie l’Océan avec les lacs Supérieur, Michigan, Huron, Erié, Saint-Clair, Saint-Pierre et Ontario, qui n’appartiennent pas à l’Angleterre. Aucune réclamation non plus ne s’était élevée contre le général Rosas lorsqu’il fermait la navigation du Paraná, qui est la seule voie pour le Paraguay, la province de Matto-Grosso et la Bolivie.

Veut-on savoir sur quoi s’est fondée cette opinion défavorable au Brésil ? Il a fait en 1851 un traité avec le Pérou pour la navigation de l’Amazone depuis Para jusqu’à Nauta. En 1853, un officier de la marine des États-Unis publie à Washington un mémoire sous le titre de Exploration de la vallée des Amazones, dans lequel il dépeint les rives de l’Amazone comme réunissant tout ce que la nature a produit de plus fertile et de plus majestueux. L’officier américain montre à ses compatriotes de nouveaux marchés et de nouveaux territoires sur lesquels ils pourraient se jeter, et où les attendent des richesses immenses. MM. Herndon et Gibbon, officiers de marine, qui se trouvaient à Valparaiso peu de temps après la signature du traité fait entre le Pérou et le Brésil pour la navigation de l’Amazone, reçurent du lieutenant Maury, directeur de l’observatoire de Washington,