Page:Revue des Deux Mondes - 1858 - tome 14.djvu/827

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

VIII. — QUESTION DE LA NAVIGATION DES RIVIÈRES. — QUESTION DE LA PLATA. — QUESTIONS EXTÉRIEURES.

Il y a deux autres questions qu’on présente depuis quelque temps en Europe sous un aspect peu favorable à l’empire du Brésil : celle de la navigation des rivières et celle de l’influence qu’il exerce sur les états de la Plata. On signale le Brésil comme un adversaire constant et intraitable de la liberté de navigation de l’Amazone et des fleuves qui forment le delta de la Plata, comme un conquérant qui veut jouer dans l’Amérique du Sud le rôle des États-Unis dans l’Amérique du Nord. On dénature les faits pour leur donner une physionomie favorable à ces fausses idées ; aussi s’est-il formé en Europe, et surtout en France, une opinion qui nuit au crédit et à la considération dont le Brésil doit jouir par sa conduite loyale et ses procédés pleins de sens et de sagesse. Nous traiterons séparément ces deux questions.

La question de la navigation des rivières nous occupera d’abord, elle embrasse les affluens de la Plata, et le fleuve des Amazones avec ses affluens. — Un des principes que le Brésil soutient depuis nombre d’années, c’est que le droit à la navigation d’une rivière appartient à tous les états riverains ; quant aux pays qui ne sont pas riverains, ils ne peuvent obtenir ce droit que par des concessions. Ce principe est-il vrai ? Peut-on soutenir en thèse générale, en théorie, que le droit de navigation sur une rivière intérieure appartient à tout le monde ? On dira peut-être que la liberté est toujours bonne, et que la civilisation moderne condamne les disciples du dictateur Francia ; mais on ne pourra jamais soutenir qu’on est parfaitement en droit d’exiger cette liberté. Tous les publicistes, depuis Wolf et Puffendorf jusqu’à Vattel, Martens et Kluber, établissent que le cours et non la source d’une rivière en détermine la propriété, — que chaque état possède exclusivement la portion de cette rivière qui traverse son territoire, — qu’une telle propriété n’est sujette à aucune servitude, et que les riverains inférieurs peuvent même en refuser la navigation aux riverains supérieurs, — qu’il n’y a que des conventions particulières qui donnent droit à cette navigation. Grotius seul a fait quelques modifications à ces principes du droit des gens. L’Angleterre les a toujours acceptés et respectés dans la question de la navigation du Saint-Laurent avec les États-Unis, de la rivière Gambia au Sénégal avec la France, et du Paraná et du Paraguay avec le général Rosas. À la séance du 19 février 1846, lord Aberdeen, répondant à lord Beaumont, disait que le gouvernement anglais ne prétendait exercer aucun droit sur la navigation du Paraná, dont les rives inférieures appartiennent à la Confédération-