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et c’est pour cela même que le service se fait mal[1]. La période de temps comprise entre la déclaration de l’indépendance et la révolution de 1831 n’a pas été normale ; c’était une époque de renaissance et d’enthousiasme. De 1831 à 1840, le pays passa par de cruelles épreuves. L’anarchie était partout ; les doctrines gouvernementales s’altéraient au milieu de difficultés sans cesse renaissantes. Le désordre était dans les provinces, où les émeutes se succédaient les unes aux autres ; le principe d’autorité était sans force entre les mains des régens, qui gouvernaient au nom d’un souverain mineur. De 1840 à 1848, les idées désorganisatrices firent encore quelques apparitions, mais elles furent vaincues ; l’esprit gouvernemental gagnait du terrain, et ses progrès enfantaient d’autres intérêts qui ouvraient de nouveaux et de plus nobles horizons aux esprits et aux ambitions. Ce fut en 1850 que les théories politiques, les discussions de principes abstraits, firent place aux études pratiques d’administration. Tout le monde accepta dès lors les institutions établies sans exiger de réformes ou de modifications ; tous les partis abandonnèrent leurs idées de résistance matérielle, et ne cherchèrent leurs forces et leur influence que dans les moyens constitutionnels et légaux. Quel a été le résultat de cette tendance naturelle ? L’état des finances, les progrès du commerce et de l’industrie vont nous l’apprendre.

  1. Nous le disions à la chambre des députés du Brésil en 1855 : « Les attributions du ministère de l’intérieur (imperio) sont trop nombreuses et de nature trop différente. Il dirige la politique du pays par les présidens de province, qui sont ses délégués directs, et par les élections. Il a sous sa direction les établissemens scientifiques supérieurs et ceux de l’instruction primaire et secondaire de la ville de Rio, les beaux-arts, les postes, l’agriculture, l’industrie, les mines, la statistique, la civilisation des Indiens, le commerce, la salubrité publique, la colonisation, les travaux publics et les terres du domaine. Il n’est pas possible qu’un seul ministère suffise à tout cela ; je dirai plus : il n’est pas possible qu’un seul homme soit à la hauteur de cette tâche pour la remplir convenablement. Cependant le pays marche ; il fait des progrès sensibles, et plusieurs des branches du service public sont appelées à prendre un développement inattendu, comme la colonisation, le morcellement et la vente des terres du domaine, les chemins de fer, les grands travaux publics enfin. » — « Le service public est encore organisé aujourd’hui comme il l’a été par la loi de 1822, lors de la proclamation de l’indépendance ; mais le Brésil de 1855 n’est plus le Brésil de 1822. Tout a changé autour de nous. Nous avons des branches d’administration qui étaient alors inconnues : les colonies militaires et civiles, les terres du domaine public, les chemins de fer, la navigation à vapeur, les télégraphes, la garde nationale, la police et tant d’autres ; quant à celles qui existaient, elles ont pris un tel développement, qu’elles ne ressemblent plus à ce qu’elles étaient alors. Le ministre peut et doit être un homme politique, mais la politique change, et il faut que les traditions et les principes de l’administration aient une continuité de système, une unité de vues, indépendantes, de la politique. »